La Cimade, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France avaient saisi en juillet 2018 le Conseil d’État suite au refus du Premier ministre de modifier le décret du 27 mai 2016 autorisant la mise en œuvre des téléservices. La modification demandée visait à clarifier le caractère facultatif de l’usage des téléservices : le fait d’accomplir des démarches par voie dématérialisée doit rester une option pour les usagers et usagères du service public, et non une obligation.
Or, les organisations requérantes constataient depuis des années un recours croissant à l’obligation de prendre rendez-vous par Internet pour accomplir certaines démarches, en particulier concernant les droits des personnes étrangères, pour demander ou renouveler un titre de séjour ou encore solliciter l’acquisition de la nationalité française. Cette obligation est à l’origine de blocages graves dans l’accès aux droits, d’une part parce que certaines personnes ne sont pas en capacité d’utiliser les téléservices, d’autre part parce qu’il est devenu de plus en plus fréquent qu’aucun rendez-vous ne soit proposé en ligne. Des personnes attendent donc des semaines, des mois voire des années derrière leur ordinateur, renouvelant jour et nuit les demandes de rendez-vous sans possibilité d’accéder autrement au guichet de la préfecture.
La décision du 27 novembre 2019 rejette la requête des associations tout en leur donnant raison : nul besoin de modifier le décret du 27 mai 2016, qui « ne saurait avoir légalement pour effet de rendre obligatoire la saisine de l’administration par voie électronique ». Selon le Conseil d’État, les « difficultés rencontrées par les ressortissants étrangers pour prendre rendez-vous par voie électronique dans les préfectures » ne sont pas une conséquence de l’application du décret relatif aux téléservices mais trouvent leur origine dans des « décisions rendant obligatoires de telles prises de rendez-vous », prises localement par les préfets.
C’est donc une nouvelle étape qui s’ouvre en matière contentieuse. Les « décisions » préfectorales ne sont, dans leur immense majorité, pas formalisées : si elles sont révélées par la mise en place des téléservices de prise de rendez-vous, elles sont généralement inexistantes. Elles n’en restent pas moins illégales, à la lumière de la décision du Conseil d’État.
La Cimade, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France réitèrent leur demande au gouvernement : la dématérialisation des démarches administratives doit rester une possibilité offerte aux usagers et usagères du service public, sans quoi elle devient une entrave à l’accès aux droits. Et suivant la décision du Conseil d’État, nos organisations s’apprêtent à demander à l’ensemble des préfectures organisant la dématérialisation obligatoire des rendez-vous de leur communiquer leurs décisions et à engager des contentieux contre ces décisions expresses ou implicites.
Organisations signataires :
La Cimade Gisti Ligue des droits de l’Homme Saf