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COMMUNIQUÉ DE L’IFSW DU 9 DÉCEMBRE 2017
Déclaration de la commission des droits de l’homme de la Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux pour la Journée Mondiale des Droits de l’Homme
Traduit par Julie GERMAIN
Déclaration de la commission des droits de l’homme de la Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux pour la Journée Mondiale des Droits de l’Homme
Traduit par Julie GERMAIN
Du point de vue de l’IFSW[1] , les droits de l’homme sont au cœur du travail social, et depuis toujours le travail social est… une profession des droits de l’homme, ayant pour principe fondamental la valeur intrinsèque de tout être humain, et l’un de ses buts premiers la promotion de structures sociales équitables (Nations Unies, 1994 : 3). Pour aller encore plus loin, le travail social a aujourd’hui la responsabilité de se faire le porte-parole des droits de l’homme à travers le monde, et plus particulièrement lorsque de nouvelles réalités mondiales sont synonymes de non-respect des droits de l’homme les plus élémentaires et de mépris total des personnes.
Les droits de l’homme et le respect de la personne semblent souvent être le « cadet des soucis » des gouvernements dans ce nouvel ordre mondial où le pouvoir économique et politique couplé à la puissance militaire, le fanatisme religieux et l’idéologie politique occupent souvent une place centrale. Face à un tel manque d’autorité éthique et à des réponses tout aussi violentes qu’insensibles à l’égard des groupes les plus vulnérables au sein de la société, les travailleurs sociaux sont parmi les rares professions en capacité de s’ériger en porte-parole de ces personnes.
La Commission pour les Droits de l’Homme de l’IFSW est présente dans les cinq grandes régions du monde. Certaines problématiques sont spécifiques à une région, alors que d’autres concernent toute la planète. Ce rapport se concentre sur des domaines clés relatifs aux Droits de l’Homme identifiés dans chaque région par nos délégués régionaux.
Amérique du Nord
La pauvreté, le problème des sans-abris, l’insécurité alimentaire demeurent des violations graves des droits de l’homme. La pauvreté est exacerbée par le changement climatique et les destructions provoquées par les inondations, les tempêtes, les feux de forêt incontrôlables, ainsi que la qualité de l’air, qui impactent gravement la vie de nombreuses personnes. La situation est accentuée par la participation à d’interminables conflits à l’origine de la perte de vies, de destructions et de coupes budgétaires alarmantes pour les dépenses sociales. Ainsi, alors que les États-Unis ont déboursé 5,6 mille milliards de dollars pour la Défense depuis le 11 septembre, les dépenses pour les services de santé sont dérisoires. 21 % des enfants de notre région grandissent dans des familles vivant sous le seuil de pauvreté. Les Amérindiens, les Afro-Américains, et les Hispaniques ont le plus fort taux de pauvreté, dépassant les 25 %. Au Canada, 4,7 millions de personnes vivent dans la précarité, et 1,2 million ou 17,4 % sont des enfants ; les enfants des populations autochtones au Canada ont deux fois plus de risques de grandir dans la précarité que les non-autochtones.
Au début du siècle dernier aux États-Unis, les travailleurs sociaux se sont organisés en une profession visant à répondre à la misère et à l’arrivée de nombreux immigrants européens. Ce sont des domaines où la profession a fait et peut encore faire la différence. Le Canada a accueilli plus de 400 000 réfugiés en 2016 et envisage d’en accueillir autant en 2017. Néanmoins, les États-Unis ont quant à eux fermé leurs frontières aux réfugiés et essayé d’imposer un décret interdisant le territoire américain aux ressortissants de 6 États musulmans. La montée du racisme et la percée de l’extrême droite sont inquiétantes. Les mouvements migratoires de peuples fuyant les conflits, la famine et les violences représentent une crise humanitaire mondiale. La fermeture des frontières est une entrave grave aux droits de l’homme alors même que de plus en plus d’hommes, de femmes et d’enfants périssent et attendent dans des camps de réfugiés en Europe et au Moyen Orient. Les travailleurs sociaux relaient ces inquiétudes.
Afrique
Il y a encore un grand nombre de personnes en Afrique qui souffrent de la faim et les niveaux de pauvreté augmentent rapidement – 75 % des pays les plus pauvres sont en Afrique. Cela est dû aux systèmes inéquitables du commerce mondial, aux gouvernements médiocres et corrompus qui sont très répandus en Afrique. A cela s’ajoute de graves violations des droits de l’homme qui ont joué un rôle significatif dans de nombreuses crises étatiques en Afrique. Bien que les attaques de l’État Islamique et de Boko Haram sur les populations civiles aient été brutales, dans de nombreux pays, dont le Kenya et l’Égypte, les gouvernements et les forces de sécurité ont répondu aux menaces terroristes réelles ou inventées par des politiques abusives accentuant parfois ces crises. Un marché aux esclaves florissant se développe actuellement en Libye où un million de migrants et de réfugiés, tentant de rejoindre l’Europe, se retrouvent pris au piège.
L’amélioration de la situation des droits de l’homme est possible en soutenant les organisations de la société civile, en réformant les programmes de travail social dans les universités africaines pour s’assurer que ces derniers couvrent des domaines tels que les droits de l’homme et la justice sociale, et en essayant d’aborder ces graves problèmes sur le continent même.
L’IFSW et les associations régionales devraient se rassembler pour former un bloc régional durable et essayer d’aborder des problèmes qui touchent la population en Afrique. Suite à la conférence régionale à Livingstone en juin 2017, l’antenne régionale s’efforce de créer une structure durable répondant à ce besoin.
Europe
L’antenne européenne remarque que divers problèmes liés à la pauvreté, aux inégalités sociales et aux inquiétudes environnementales impactent les droits de l’homme en Europe. Sont touchées des communautés vulnérables telles que les minorités religieuses, les enfants, les migrants et réfugiés, les personnes handicapées, les jeunes filles ou les femmes. Il est nécessaire de continuer à travailler en équipes pluridisciplinaires afin d’essayer de mettre en œuvre des stratégies communes pour affronter ces sujets. Ces solutions dépendent de notre capacité stratégique à agir sur les moyens politiques en proposant des changements constructifs.
Nos propres conditions de travail sont également importantes. Il est de notoriété internationale que les travailleurs sociaux sont souvent mal rémunérés, qu’ils sont amenés à travailler de longues heures sur des situations lourdes et complexes et doivent régulièrement « jongler » entre les exigences des managers, des clients et des organes administratifs. Tous ces éléments peuvent entraver la mise en place ainsi que la réussite de pratiques éthiques et durables. Pour être de solides défenseurs des personnes les plus vulnérables, les travailleurs sociaux doivent également plaider pour leurs propres professions. Seuls des travailleurs sociaux compétents et qualifiés sont à même d’effectuer un travail social professionnel. Ils ont besoin de conditions de travail dignes de ce nom pour offrir des services de qualités pour ceux qui sont dans le besoin.
Amérique Latine et Caraïbes
Lors de la conférence de juillet 2017 au Costa Rica, les participants se sont mis d’accord sur la nécessité première d’identifier les principaux problèmes liés aux droits de l’homme nous impactant en tant que travailleurs sociaux.
Parmi les problèmes identifiés :
La progression des gouvernements néolibéraux qui compromettent les droits des groupes historiquement opprimés et accentuent les inégalités dans la redistribution des ressources et des richesses. La vulnérabilité des jeunes, victimes de violences, de la pauvreté croissante de leurs familles, de la piètre qualité des systèmes d’éducation, des violences sexuelles, et du trafic d’enfants. La persécution et la non-visibilité dans certains pays d’Amérique Latine et des Caraïbes de la communauté LGBT[2] . La privatisation de services sociaux essentiels comme la santé et l’éducation. La vulnérabilité des peuples et groupes autochtones. Dans la région Amérique Latine et Caraïbes, la persécution de nombreux groupes a été une des préoccupations majeures, sous le régime de dictatures passées et présentes ou dans les systèmes d’exploitation néolibéraux, qui ont tous conduit à la violation des droits de l’homme et au manque de respect des valeurs.
Ces pratiques menacent les droits des personnes à la vie et à la paix. La région s’engage à se battre contre ces injustices et dans cette optique, le Collège des Travailleurs Sociaux du Chili travaille actuellement sur un livre-témoignage sur leurs collègues arrêtés, torturés, assassinés et disparus sous la dictature de Pinochet. Ceci reconnaît leur immense engagement dans la recherche pour un modèle de développement plus juste et humain.
Tout comme en Europe, la question de l’amélioration des conditions de travail des travailleurs sociaux reste au cœur du débat.
Asie-Pacifique
Au centre des inquiétudes dans la région Asie-Pacifique, les conflits actuels en Palestine, au Yémen, en Birmanie et en Syrie dominent. En Palestine, en Cisjordanie ou dans la Bande de Gaza, les travailleurs sociaux sont impliqués dans des situations de conflits, entraînant un fort taux de chômage, des épidémies, un manque de soins et un traumatisme des populations civiles. La possibilité que la détention administrative soit utilisée contre des travailleurs sociaux impliqués dans des activités de défense de droits de l’homme pro-palestiniennes est également inquiétante.
L’aide du travail social est appréciée et peut réduire les souffrances auxquelles font face des familles en difficulté. La situation au Yémen inquiète également la General Union Yéménite des Sociologues, Travailleurs Sociaux et Psychologues. Selon le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies, 6000 infrastructures médicales ont été fermées en 2016 à cause de la guerre au Yémen, entraînant une pénurie de personnel médical, de ressources et d’équipement dans des lieux déshérités, menant à des niveaux critiques de malnutrition, de propagation du choléra et d’autres maladies graves. L’Union des travailleurs sociaux tient une série de séminaires sur le développement des capacités des travailleurs sociaux à gérer des crises et des désastres dans des circonstances éprouvantes, permettant aux travailleurs sociaux et aux bénévoles d’apporter l’aide dont les populations ont grandement besoin.
En Birmanie, les Rohingyas fuient en masse le pays, à cause d’attaques menées par les forces armées et une population qui leur est hostile. Ces populations subissent un exode massif, et se réfugient dans des camps au Bangladesh dans des conditions désastreuses. Entre quelques centaines de milliers et un million de personnes auraient fui. Les travailleurs sociaux soutiennent ces réfugiés, dans les camps et ailleurs. La Fédération Japonaise des Travailleurs Sociaux plaide auprès des gouvernements de la région en faveur d’une action commune avec la communauté internationale pour protéger les Rohingyas de ces graves violations de leurs droits.
Le conflit en Syrie a également causé d’importantes pertes humaines et a été catastrophique pour la région. Les travailleurs sociaux sont engagés dans un large éventail d’organisations internationales pour en atténuer certaines conséquences.
Pour aller de l’avant
Les travailleurs sociaux sont en première ligne pour soutenir les personnes touchées par les violations des droits de l’homme et il s’avère urgent de s’appuyer sur leur travail. La profession a un rôle clé à jouer de par sa capacité à examiner de façon critique le contexte social, politique et économique tout en intégrant les droits de l’homme dans sa pratique professionnelle. Notre tâche immédiate consiste à rendre visible les violations des droits de l’homme ainsi que les solutions apportées par le travail social, tout en les rendant plus efficaces en développant la solidarité et les plaidoyers politiques.
Nigel HALL
Commissaire aux droits de l'homme (avec les contributions des commissaires régionaux aux droits de l'homme de l’IFSW)
Commissaire aux droits de l'homme (avec les contributions des commissaires régionaux aux droits de l'homme de l’IFSW)
Texte original publié sur le site de l’IFSW, « Statement on World Human Rights Day by IFSW Human Rights Commission », disponible sur : http://ifsw.org/news/statement-on-world-human-rights-day-by-ifsw-human-rights-commission/
[1]International Federation of Social Work (Fédération Internationale du Travail Social) (N.D.L.R.)
[2] Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (N.D.L.R.)