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L’annonce le 21 mars par Mme Neuville, suivie de la publication le 27 mars de l'arrêté portant création du niveau II pour les 5 diplômes de travail social actuellement au niveau III[1, a soulevé un concert de protestation chez ceux qui semblaient découvrir qu’il ne s’appliquerait qu’aux futurs diplômés à partir de 2021.
Le plan d’action en faveur du travail social rendu public en octobre 2015 avait pourtant été clair à ce sujet : « Cette évolution nécessitera une réingénierie des formations qui s’appuiera sur le conventionnement entre les établissements de formation délivrant actuellement les diplômes d’État du travail social et les universités »[2].
Toutes les organisations professionnelles et les syndicats (CGT et CFDT) ont été conviés dès le mois d’octobre 2016 à participer aux travaux de cette réingénierie qui a démarré par la réécriture des référentiels professionnels. D’entrée de jeu l’objectif de ce travail avait été rappelé, il s’agissait de permettre l’adossement des diplômes de travail social au grade de licence, de même que le passage des emplois de catégorie B en A de la fonction publique.
La première phase, qui consistait en la remise à plat des référentiels de fonctions et d’activités avec également l’écriture de la définition de la profession, s’est achevée en février. La seconde phase commencera le 18 avril et doit permettre la révision des référentiels de compétences, de formation et de certification. L'ANAS, comme les autres organisations professionnelles et syndicales, a pris une part active dans ce travail d'écriture et de définition.
Il convient de distinguer les effets de cette reconnaissance sur le déroulement professionnel et sur les rémunérations.
Que représente l’acquisition du niveau II ?
Il s’agit de l’intégration dans le cursus universitaire LMD (licence, master, doctorat) et donc de permettre aux diplômés qui le souhaitent de pouvoir poursuivre un cursus de formation universitaire en intégrant directement un master I. Aujourd’hui, malgré le découpage de la formation d’assistant de service social en 180 ECTS, ce n’est pas toujours le cas (et c’est au bon vouloir des universités), ce qui induit des inégalités entre les étudiants.
Qui donne ce niveau ?
C’est la commission nationale de la certification professionnelle qui est habilitée à attribuer un niveau à un diplôme.
En 2009, la formation des infirmiers a ainsi été réformée et c’est à cette condition qu’ils ont obtenu que leur diplôme d’Etat soit équivalent au grade de licence.
Le niveau licence correspond à un certain nombre d’attendus auxquels la formation d’Assistant de Service Social (mais aussi d’Éducateur et de Conseiller en économie sociale et familiale) ne répondait pas jusqu’à présent. Tous les professionnels qui ont souhaité poursuivre ou reprendre leurs études pour l’obtention d’un diplôme de niveau supérieur ont donc dû utiliser des passerelles (lorsqu’elles existaient) ou repartir en L2 ou L3 (sauf pour ceux qui avaient suivi un double cursus comme cela se pratique dans certains centres de formation).
Les formations sociales et diplômes d’Etat du travail social devront avec la réforme répondre aux exigences du niveau Licence (enseignements notamment en langue et en informatique, diplômes des enseignants, recherche, etc.), au même titre que les Universités et obtenir l’accréditation du HCERES[3].
Pour rappel, lors de la mise en place des 180 ECTS pour les 5 diplômes concernés, dans le cadre du processus de Bologne, il n’y a pas eu de rétroactivité et aucun professionnel diplômé avant cette mise en place n’a eu automatiquement l’Europass (supplément au diplôme) avec les 180 ECTS.
La réforme des études intègrera ces conditions à partir de la rentrée 2018.
Pour les diplômes obtenus avant 2021 il faudrait créer des passerelles et la possibilité de suivre des modules sur les enseignements manquants afin de permettre à ceux qui le souhaitent d’accéder à des formations supérieures.
Les incidences sur la rémunération du passage en catégorie A
Dans les 3 fonctions publiques :
C’est le grade qui définit le niveau de la rémunération. La reconnaissance en catégorie A de tous les professionnels exerçant les 5 métiers sus-cités dans toute la fonction publique, qu’ils soient titulaires de l’ancien ou du futur diplôme permettra une revalorisation des grilles des salaires qui d'ores et déjà apparaît nettement insuffisante. En effet il a été créé un nouveau corps de catégorie A qui comporte 2 grades. Le second grade de base est lui-même divisé en 2 classes (ces deux classes sont gérées exactement comme des grades). Au final, les gains financiers des professionnels de terrain seront minimes avec un resserrement des augmentations de salaire tout au long de leur carrière. Ces dispositions visent à limiter les impacts financiers pour les collectivités de cet accès à la catégorie A d'environ 65.000 professionnels. Il nous faudra compter sur l'action des syndicats pour veiller à la revalorisation salariale et l'évolution de ces grilles des travailleurs sociaux de catégorie A afin qu'ils ne soient pas financièrement lésés une nouvelle fois.
Cette reconnaissance doit leur donner également la possibilité d’accéder à des postes d’encadrement jusqu’à présent réservés à ceux qui se trouvaient dans cette catégorie après avoir passé le concours de conseiller socio-éducatif (dont la grille conditionnant les salaires étaient déjà nettement inférieure à celle de la filière administrative de même grade). En effet, il ne suffit pas d’être titulaire d’un diplôme universitaire pour être automatiquement classé dans une catégorie A (nombre de nos collègues sont titulaires de licence ou master obtenus avant le démarrage de leur formation d’ASS ou après leur DE).
Dans le secteur privé :
Ce sont les conventions collectives qui fixent les niveaux de rémunération. Celles-ci tiennent compte des fonctions occupées et des diplômes s'ils sont nécessaires pour occuper la fonction.
Aujourd’hui il y a certains secteurs qui reconnaissent déjà (et depuis longtemps) un statut de cadre aux assistants de service social.
Si augmentation des rémunérations il doit y avoir, elle ne se fera qu’au prix de négociations salariales, et c'est le rôle que nous espérons voir jouer par les organisations syndicales.
Les enjeux de la réforme
Se focaliser sur la reconnaissance au niveau licence ne doit pas nous faire perdre du vue un autre enjeu de cette réforme : le maintien des spécificités de nos formations, et par là de nos diplômes d’Etat. Le risque de voir un diplôme unique (ou des filières spécifiques) n’est plus d'actualité mais pas encore complètement exclu dans l'avenir.
Les travaux qui vont s’ouvrir très prochainement et se dérouler jusqu’en fin d’année pour permettre à la réforme de se mettre en place à la rentrée 2018 doivent recueillir toute notre attention. Jusqu’à présent dans le groupe travaillant sur la profession d’Assistant de Service Social, les professionnels ont eu des échanges constructifs axés sur la pratique. Les écrits sont le reflet de ces échanges car les définitions retenues ont fait l’objet d’un consensus.
Ceci nous a permis de préserver l’identité de nos diplômes (la CPC a validé les propositions faites par les groupes de travail). Les discussions à venir sur les référentiels de compétences et de formation porteront (entre autres) sur le socle commun. Nous aurons en face de nous dans les groupes de travail des défenseurs d’un socle le plus large possible. Il faudra donc toute l’énergie de la profession pour convaincre et apporter des éléments pertinents qui permettront que nous soyons entendus car « si socle commun il doit y avoir, celui-ci doit permettre d’augmenter le niveau de culture (commune en l’occurrence) en sciences humaines et sociales (SHS) et en connaissance du système institutionnel (notamment européen) des étudiants travailleurs sociaux, tout au long de leur formation ainsi qu’une affirmation des liens de continuité (et non pas de dépendance) entre formation sociale et université »[4].
En conclusion
Même si la déception légitime de milliers de travailleurs sociaux est à la hauteur des espoirs qu'ils avaient fondés en cette reconnaissance, nous leur disons :
Le débat sur la non rétroactivité de la reconnaissance au niveau II est un mauvais procès : la « non rétroactivité » s'est posée de la même façon pour les infirmières et à une échelle moindre pour les professeurs des écoles. Nous sommes engagés dans un processus de reconnaissance de nos professions que nous ne pouvons ignorer, même s'il reste des interrogations et des revendications à satisfaire.
Oui à une rémunération décente et attractive pour les professionnels (l'ANAS n'étant pas un syndicat, nous souhaitons bien évidemment que les organisations syndicales se saisissent de ces questions qui ne sont pas nouvelles). Bien évidemment nous déplorons les bas salaires des travailleurs sociaux comme pour certains métiers médicaux et paramédicaux. Ces bas salaires conduisent eux aussi à une certaine désaffection pour s'engager dans nos métiers.
Oui à la possibilité de poursuivre des études supérieures pour ceux qui le souhaitent et nous prendrons attache avec le futur gouvernement pour étudier les possibilités pour les actuels diplômés d'accéder grâce à des passerelles aux études permettant l'accès à un master. Celles-ci ne pourront pas se réaliser sans négociation entre les centres de formation et les universités
Et surtout oui au maintien d’une formation de qualité qui tienne compte de nos spécificités tout en n’occultant pas les évolutions sociétales.
Anne-Brigitte Cosson,
Présidente de l'ANAS
Le plan d’action en faveur du travail social rendu public en octobre 2015 avait pourtant été clair à ce sujet : « Cette évolution nécessitera une réingénierie des formations qui s’appuiera sur le conventionnement entre les établissements de formation délivrant actuellement les diplômes d’État du travail social et les universités »[2].
Toutes les organisations professionnelles et les syndicats (CGT et CFDT) ont été conviés dès le mois d’octobre 2016 à participer aux travaux de cette réingénierie qui a démarré par la réécriture des référentiels professionnels. D’entrée de jeu l’objectif de ce travail avait été rappelé, il s’agissait de permettre l’adossement des diplômes de travail social au grade de licence, de même que le passage des emplois de catégorie B en A de la fonction publique.
La première phase, qui consistait en la remise à plat des référentiels de fonctions et d’activités avec également l’écriture de la définition de la profession, s’est achevée en février. La seconde phase commencera le 18 avril et doit permettre la révision des référentiels de compétences, de formation et de certification. L'ANAS, comme les autres organisations professionnelles et syndicales, a pris une part active dans ce travail d'écriture et de définition.
Il convient de distinguer les effets de cette reconnaissance sur le déroulement professionnel et sur les rémunérations.
Que représente l’acquisition du niveau II ?
Il s’agit de l’intégration dans le cursus universitaire LMD (licence, master, doctorat) et donc de permettre aux diplômés qui le souhaitent de pouvoir poursuivre un cursus de formation universitaire en intégrant directement un master I. Aujourd’hui, malgré le découpage de la formation d’assistant de service social en 180 ECTS, ce n’est pas toujours le cas (et c’est au bon vouloir des universités), ce qui induit des inégalités entre les étudiants.
Qui donne ce niveau ?
C’est la commission nationale de la certification professionnelle qui est habilitée à attribuer un niveau à un diplôme.
En 2009, la formation des infirmiers a ainsi été réformée et c’est à cette condition qu’ils ont obtenu que leur diplôme d’Etat soit équivalent au grade de licence.
Le niveau licence correspond à un certain nombre d’attendus auxquels la formation d’Assistant de Service Social (mais aussi d’Éducateur et de Conseiller en économie sociale et familiale) ne répondait pas jusqu’à présent. Tous les professionnels qui ont souhaité poursuivre ou reprendre leurs études pour l’obtention d’un diplôme de niveau supérieur ont donc dû utiliser des passerelles (lorsqu’elles existaient) ou repartir en L2 ou L3 (sauf pour ceux qui avaient suivi un double cursus comme cela se pratique dans certains centres de formation).
Les formations sociales et diplômes d’Etat du travail social devront avec la réforme répondre aux exigences du niveau Licence (enseignements notamment en langue et en informatique, diplômes des enseignants, recherche, etc.), au même titre que les Universités et obtenir l’accréditation du HCERES[3].
Pour rappel, lors de la mise en place des 180 ECTS pour les 5 diplômes concernés, dans le cadre du processus de Bologne, il n’y a pas eu de rétroactivité et aucun professionnel diplômé avant cette mise en place n’a eu automatiquement l’Europass (supplément au diplôme) avec les 180 ECTS.
La réforme des études intègrera ces conditions à partir de la rentrée 2018.
Pour les diplômes obtenus avant 2021 il faudrait créer des passerelles et la possibilité de suivre des modules sur les enseignements manquants afin de permettre à ceux qui le souhaitent d’accéder à des formations supérieures.
Les incidences sur la rémunération du passage en catégorie A
Dans les 3 fonctions publiques :
C’est le grade qui définit le niveau de la rémunération. La reconnaissance en catégorie A de tous les professionnels exerçant les 5 métiers sus-cités dans toute la fonction publique, qu’ils soient titulaires de l’ancien ou du futur diplôme permettra une revalorisation des grilles des salaires qui d'ores et déjà apparaît nettement insuffisante. En effet il a été créé un nouveau corps de catégorie A qui comporte 2 grades. Le second grade de base est lui-même divisé en 2 classes (ces deux classes sont gérées exactement comme des grades). Au final, les gains financiers des professionnels de terrain seront minimes avec un resserrement des augmentations de salaire tout au long de leur carrière. Ces dispositions visent à limiter les impacts financiers pour les collectivités de cet accès à la catégorie A d'environ 65.000 professionnels. Il nous faudra compter sur l'action des syndicats pour veiller à la revalorisation salariale et l'évolution de ces grilles des travailleurs sociaux de catégorie A afin qu'ils ne soient pas financièrement lésés une nouvelle fois.
Cette reconnaissance doit leur donner également la possibilité d’accéder à des postes d’encadrement jusqu’à présent réservés à ceux qui se trouvaient dans cette catégorie après avoir passé le concours de conseiller socio-éducatif (dont la grille conditionnant les salaires étaient déjà nettement inférieure à celle de la filière administrative de même grade). En effet, il ne suffit pas d’être titulaire d’un diplôme universitaire pour être automatiquement classé dans une catégorie A (nombre de nos collègues sont titulaires de licence ou master obtenus avant le démarrage de leur formation d’ASS ou après leur DE).
Dans le secteur privé :
Ce sont les conventions collectives qui fixent les niveaux de rémunération. Celles-ci tiennent compte des fonctions occupées et des diplômes s'ils sont nécessaires pour occuper la fonction.
Aujourd’hui il y a certains secteurs qui reconnaissent déjà (et depuis longtemps) un statut de cadre aux assistants de service social.
Si augmentation des rémunérations il doit y avoir, elle ne se fera qu’au prix de négociations salariales, et c'est le rôle que nous espérons voir jouer par les organisations syndicales.
Les enjeux de la réforme
Se focaliser sur la reconnaissance au niveau licence ne doit pas nous faire perdre du vue un autre enjeu de cette réforme : le maintien des spécificités de nos formations, et par là de nos diplômes d’Etat. Le risque de voir un diplôme unique (ou des filières spécifiques) n’est plus d'actualité mais pas encore complètement exclu dans l'avenir.
Les travaux qui vont s’ouvrir très prochainement et se dérouler jusqu’en fin d’année pour permettre à la réforme de se mettre en place à la rentrée 2018 doivent recueillir toute notre attention. Jusqu’à présent dans le groupe travaillant sur la profession d’Assistant de Service Social, les professionnels ont eu des échanges constructifs axés sur la pratique. Les écrits sont le reflet de ces échanges car les définitions retenues ont fait l’objet d’un consensus.
Ceci nous a permis de préserver l’identité de nos diplômes (la CPC a validé les propositions faites par les groupes de travail). Les discussions à venir sur les référentiels de compétences et de formation porteront (entre autres) sur le socle commun. Nous aurons en face de nous dans les groupes de travail des défenseurs d’un socle le plus large possible. Il faudra donc toute l’énergie de la profession pour convaincre et apporter des éléments pertinents qui permettront que nous soyons entendus car « si socle commun il doit y avoir, celui-ci doit permettre d’augmenter le niveau de culture (commune en l’occurrence) en sciences humaines et sociales (SHS) et en connaissance du système institutionnel (notamment européen) des étudiants travailleurs sociaux, tout au long de leur formation ainsi qu’une affirmation des liens de continuité (et non pas de dépendance) entre formation sociale et université »[4].
En conclusion
Même si la déception légitime de milliers de travailleurs sociaux est à la hauteur des espoirs qu'ils avaient fondés en cette reconnaissance, nous leur disons :
Le débat sur la non rétroactivité de la reconnaissance au niveau II est un mauvais procès : la « non rétroactivité » s'est posée de la même façon pour les infirmières et à une échelle moindre pour les professeurs des écoles. Nous sommes engagés dans un processus de reconnaissance de nos professions que nous ne pouvons ignorer, même s'il reste des interrogations et des revendications à satisfaire.
Oui à une rémunération décente et attractive pour les professionnels (l'ANAS n'étant pas un syndicat, nous souhaitons bien évidemment que les organisations syndicales se saisissent de ces questions qui ne sont pas nouvelles). Bien évidemment nous déplorons les bas salaires des travailleurs sociaux comme pour certains métiers médicaux et paramédicaux. Ces bas salaires conduisent eux aussi à une certaine désaffection pour s'engager dans nos métiers.
Oui à la possibilité de poursuivre des études supérieures pour ceux qui le souhaitent et nous prendrons attache avec le futur gouvernement pour étudier les possibilités pour les actuels diplômés d'accéder grâce à des passerelles aux études permettant l'accès à un master. Celles-ci ne pourront pas se réaliser sans négociation entre les centres de formation et les universités
Et surtout oui au maintien d’une formation de qualité qui tienne compte de nos spécificités tout en n’occultant pas les évolutions sociétales.
Anne-Brigitte Cosson,
Présidente de l'ANAS
[1] Assistant de service social, Conseiller en économie sociale et familiale, Educateur de jeunes enfants, Educateur spécialisé, Educateur technique spécialisé
[2] Plan d’action pour le travail social et le développement social-chapitre III.2 -Inscrire progressivement le travail social dans un parcours conduisant à des grades universitaires
[3] HCERES : Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
[4] Joseph Cacciari, administrateur ANAS 2015-2017