Lettre ouverte au Président de la République
Une profession silencieuse, peu syndiquée ce qui est certainement lié au fait que l’assistante sociale côtoie toute la journée des personnes: adultes, personnes âgées ou enfants ayant des difficultés. Voilà pourquoi nous n’osons pas nous plaindre de notre propre situation qui nous semble souvent privilégiée par rapport à ce que nous entendons et voyons.
Accueillir, entendre, écouter, réconforter, soutenir, analyser, orienter, accompagner, évaluer, faire des choix, prendre des décisions, proposer…Des savoirs faire et des compétences qui résument le travail de cette profession.
Nous affirmons que le travail social relève bien de la compétence de professionnels formés et ne peut être laissé à la charge de bénévoles, comme certains le souhaiteraient.
La formation, parlons-en ! :
Trois années d’études dans une école spécialisée pour une partie d’entre nous, quatre années à l ‘époque des plus anciennes, et, de fait, pour de nombreuses collègues car le concours d’entrée ne pouvait être passé à l’issue de la terminale.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Quelle reconnaissance pour le diplôme d’assistant de service social ? Un niveau BAC + 2 quand la formation dure 3 ans aujourd’hui!
Pouvez-vous nous dire, monsieur le Président, où sont passées les deux autres années de formation effectuées ? N’auraient-elles pas existé ??
Dans un gouvernement où les plus riches voient augmenter chaque année leur fortune alors que l’on nous parle de crise, l’assistante sociale accompagne les plus démunis, tous ceux laissés au ban de la société pour lesquels le quotidien se résume à d’avantage de misère.
Nous en voulons pour exemple, la baisse des APL : ne trouvez-vous pas cette mesure méprisante et injuste pour les étudiants, les familles mono parentales vivant avec des minima sociaux, les retraités aux faibles pensions perçues après des années de cotisations souvent gagnées au prix d’un dur labeur, les contrats de travail précaires ?
Nous vous invitons, monsieur le Président, à vivre avec un SMIC Net de 1139 euros, voire moins pour les contrats de travail à temps partiel, quand vous aurez payé votre loyer, vos factures d’énergie, vos frais de transports…Bien entendu nous ne vous parlons même pas de loisirs car avec ces faibles revenus, il ne reste pas de budget pour ce projet.
Les budgets baissent partout et, de fait, les aides légales à apporter aux plus démunis.
Certains Conseils Départementaux font le choix de fermer des centres médico-sociaux par soucis d’économie. Les familles les plus en difficultés non véhiculées qui habitent dans des zones rurales distantes des lieux d’accueil n’ont plus accès aux services publics.
Et que dire de l’accès à l’outil informatique pour la constitution de dossiers et l’organisation de démarches administratives : les plus en difficultés n’ont pas tous accès à internet et ne sont pas tous en capacité de l’utiliser. Ils sont donc privés eux aussi des aides légales auxquelles ils pourraient prétendre !
Quotidiennement l’assistante sociale reçoit le désespoir, le mal- être de ces personnes au faible pouvoir d’achat qui se battent chaque jour pour survivre car il est entendu que si nous les accueillons, comme il se doit d’ailleurs, c’est que ces personnes ont encore un peu d’énergie pour solliciter de l’aide face à leurs difficultés pour pouvoir continuer à exister et ne pas sombrer. Il est question pour elles de SURVIE !!
Notons, au passage, que l’assistante sociale qui entend les difficultés de ces personnes et s’attache à y remédier n’a, quant à elle, aucun lieu proposé par ses employeurs pour les partager et récupérer face à tant de détresse.
Heureusement, quand il le peut et qu’il a pris conscience de la nécessité de se ressourcer, le travailleur social choisit une activité prise, bien entendu, sur ses propres deniers et aussi sur son temps personnel.
Malheureusement, mais vous ne le savez peut-être pas, exposée à tant de souffrance, la profession connaît comme d’autres professions une partie de ses effectifs en burn- out.
Cette profession à dominante féminine voit depuis des années une partie des professionnelles les plus mobilisées, engagées, syndiquées « quitter le navire » et la profession. Qui pourrait s’en satisfaire ?
Exposé à la dégradation de ses conditions de travail : délais d’intervention de plus en plus courts, situations d’urgence, augmentation du nombre d’informations à traiter, pressions de la part de la hiérarchie, certaines expositions au risque…le travailleur social doit faire toujours mieux avec moins et cela pèse sur sa charge mentale.
Aujourd’hui notre profession est en colère face à ce constat et au manque de reconnaissance.
Le report du reclassement en catégorie A des assistants socio-éducatifs de la fonction publique est reçu comme un acte de mépris de la part de votre gouvernement.
Aujourd’hui, la profession connait une véritable crise liée d’une part à l’usure professionnelle et d’autre part au manque d’attractivité relative à nos missions. Le nombre de candidats à l’entrée en formation a diminué de 47% en 10 ans. Le nombre de diplômés a connu une baisse de 19% en 10 ans.
Dans ce contexte, nous attendons une vraie reconnaissance de notre profession, de notre engagement et de la qualité du travail mené chaque jour auprès des différents publics soutenus et accompagnés. Notre métier est lourd de responsabilités. Il impose des compétences spécifiques, quelles soient sociales, psychosociales, familiales, éducatives.
La revalorisation de nos diplômes, l’augmentation de nos salaires avec le passage en catégorie A sont des combats que nous menons depuis plus de 30 ans, il n’est plus temps d’attendre!! Il est temps de nous reconnaître le cadre A MAINTENANT !!
Nous avons choisi d’exprimer notre colère, il nous reste l’envie de pouvoir encore faire bouger les choses avant de nous essouffler et, peut-être aussi à notre tour, baisser les bras.
Nous avons fait le choix d’être au côté des plus fragiles et de leur permettre d’accéder à des lendemains meilleurs.
Nous, travailleurs sociaux de terrain, œuvrons pour une société plus juste où chacun a le droit de vivre dignement et souhaitons que la profession d’assistant de service social soit reconnue à sa juste valeur.
Nous osons attendre une prise de conscience et un sursaut de la part des politiques et des pouvoirs publics afin que les choses changent. Nous faisons le choix de nous mobiliser afin de faire réagir chacune et chacun, il n’est plus possible d’accepter une société à deux vitesses.
L’état doit donner aux professionnels du secteur social et éducatif les moyens d’assurer leurs missions de service public sur l’ensemble du territoire et favoriser les conditions d’accès à l’ensemble de ces professions (créations massives de postes, statut, salaires, reconnaissance des qualifications, accès au cadre A).
La République doit donner à ses citoyens, à ses enfants, les moyens d’accéder à plus de justice sociale !
Les membres du bureau syndical des Assistants et Assistantes de Service Social du SNUASFP-FSU de l’Académie d’Amiens.
Article original publié sur : http://snuasfpfsupicardie.blogspot.fr/2018/02/v-behaviorurldefaultvmlo.html
Une pétition est en ligne pour soutenir leur action :
https://www.petitions24.net/la_colere_de_nombreuses_assistantes_et_assistants_de_service_social