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Le gouvernement est en train de faire voter une loi au Parlement qui permettra l'interception de l'ensemble des données de tous en temps réel sur Internet, avec des outils de détection des comportements dits « suspects ».
Un amendement de dernière minute, déposé par le gouvernement et adopté par les députés, doit encadrer les activités de renseignement en direction de certaines professions dites "particulièrement sensibles (1), avec des dispositions spécifiques pour les magistrats, parlementaires, avocats et journalistes. Curieusement, la profession d’assistant de service social, et plus largement les métiers du travail social se sont trouvés oubliés par cet amendement. Les travailleurs sociaux sont pourtant, pour une majorité, soumis au secret professionnel par mission et/ou par profession.
Selon nous, ce projet de loi serait une atteinte supplémentaire au secret professionnel au regard de la collecte de données envisagée, ainsi que de la mise en place des « dispositifs techniques de renseignement "(2). Nos communications professionnelles pourront donc être collectées et écoutées au même titre que les autres, sans dispositions particulières.
Un amendement supplémentaire pour le travail social ne serait-il pas nécessaire?
A défaut d'un tel amendement, il sera ainsi légalement possible pour les services de renseignement de surveiller les communications des travailleurs sociaux comme n'importe quelles autres.
Pourtant, la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE), dans son arrêt du 8 avril 2014, demande à ce que des dispositions spécifiques soient prises dans les lois nationales relatives au renseignement pour les personnes soumises au secret professionnel (3)
L'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), rendu le 16 avril, reprend cette jurisprudence et s'étonne qu'aucune disposition ne soit prise pour « protéger les personnes ayant un statut spécifique » :
« (...) Lors de son audition devant la Commission des lois, la CNCDH a relevé que la version du projet adoptée en Conseil des ministres ne prévoyait aucune disposition spécifique en ce qui concerne les personnes ayant un statut ou exerçant une profession imposant une protection spécifique, comme notamment les magistrats, les avocats, les parlementaires, les médecins ou encore les journalistes. A cet égard, la CNCDH estime que les personnes astreintes à un secret professionnel doivent faire l’objet d’un régime juridique particulier. (...) » (4)
Enfin, le dispositif prévu pourrait décrédibiliser la fonction de « confident nécessaire » dévolue aux professionnels soumis au secret. Comment pourrions-nous garantir la confidentialité des informations confiées aux personnes qui viennent nous rencontrer ? Nous pouvons exercer auprès de publics spécifiques ayant pu commettre des infractions pénales ou craignant plus simplement le jugement que la société pourrait porter sur eux.
Les informations échangées entre un professionnel soumis au secret et la personne qui le consulte sont-elles si essentielles aux services de renseignement qu'il faille les inclure dans le dispositif ? Rappelons que les modalités de levée du secret prévues à l'article 226-14 du Code pénal (5) permettent aux professionnels soumis au secret de signaler les situations de danger à partir d’une évaluation précise de la situation.
Une République démocratique doit conserver des espaces préservés au sein desquels les professionnels interviennent auprès des personnes dans leur réalité, avec des objectifs de construction de projet, en dehors de toute logique de contrôle, de surveillance ou de jugement. Sans cela, le modèle sécuritaire à l’œuvre aura atteint son paroxysme, la défiance de la population envers ceux qui sont censés les aider également.
L’ANAS demande à ce que tous les professionnels soumis au secret par profession, mission ou fonction relèvent de l’amendement n° 386 adopté par les députés à l’Assemblée Nationale.
Pour le Conseil d’Administration de l’ANAS,
Anne-Brigitte COSSON, Présidente
Auteur du communiqué : Joran LE GALL, adhérent de la section Ile-de-France ;
Avec la contribution de : Simon BOUNOURE, adhérent de la section Ile-de-France
Annexes :
- Article L. 853-1 du projet de loi renseignement (extrait) :
« Peut être autorisée, lorsque les renseignements relatifs aux finalités prévues à l’article L. 811-3 ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé, l’utilisation de dispositifs techniques permettant :
« 1° La captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ou d’images dans un lieu privé ;
« 2° La captation, la transmission et l’enregistrement de données informatiques transitant par un système automatisé de données ou contenues dans un tel système.(..) »
- Arrêt du 8 avril 2014 de la Cour de justice de l'Union Européenne §58 :
« En effet, d’une part, la directive 2006/24 concerne de manière globale l’ensemble des personnes faisant usage de services de communications électroniques, sans toutefois que les personnes dont les données sont conservées se trouvent, même indirectement, dans une situation susceptible de donner lieu à des poursuites pénales. Elle s’applique donc même à des personnes pour lesquelles il n’existe aucun indice de nature à laisser croire que leur comportement puisse avoir un lien, même indirect ou lointain, avec des infractions graves. En outre, elle ne prévoit aucune exception, de sorte qu’elle s’applique même à des personnes dont les communications sont soumises, selon les règles du droit national, au secret professionnel. »
Un amendement de dernière minute, déposé par le gouvernement et adopté par les députés, doit encadrer les activités de renseignement en direction de certaines professions dites "particulièrement sensibles (1), avec des dispositions spécifiques pour les magistrats, parlementaires, avocats et journalistes. Curieusement, la profession d’assistant de service social, et plus largement les métiers du travail social se sont trouvés oubliés par cet amendement. Les travailleurs sociaux sont pourtant, pour une majorité, soumis au secret professionnel par mission et/ou par profession.
Selon nous, ce projet de loi serait une atteinte supplémentaire au secret professionnel au regard de la collecte de données envisagée, ainsi que de la mise en place des « dispositifs techniques de renseignement "(2). Nos communications professionnelles pourront donc être collectées et écoutées au même titre que les autres, sans dispositions particulières.
Un amendement supplémentaire pour le travail social ne serait-il pas nécessaire?
A défaut d'un tel amendement, il sera ainsi légalement possible pour les services de renseignement de surveiller les communications des travailleurs sociaux comme n'importe quelles autres.
Pourtant, la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE), dans son arrêt du 8 avril 2014, demande à ce que des dispositions spécifiques soient prises dans les lois nationales relatives au renseignement pour les personnes soumises au secret professionnel (3)
L'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), rendu le 16 avril, reprend cette jurisprudence et s'étonne qu'aucune disposition ne soit prise pour « protéger les personnes ayant un statut spécifique » :
« (...) Lors de son audition devant la Commission des lois, la CNCDH a relevé que la version du projet adoptée en Conseil des ministres ne prévoyait aucune disposition spécifique en ce qui concerne les personnes ayant un statut ou exerçant une profession imposant une protection spécifique, comme notamment les magistrats, les avocats, les parlementaires, les médecins ou encore les journalistes. A cet égard, la CNCDH estime que les personnes astreintes à un secret professionnel doivent faire l’objet d’un régime juridique particulier. (...) » (4)
Enfin, le dispositif prévu pourrait décrédibiliser la fonction de « confident nécessaire » dévolue aux professionnels soumis au secret. Comment pourrions-nous garantir la confidentialité des informations confiées aux personnes qui viennent nous rencontrer ? Nous pouvons exercer auprès de publics spécifiques ayant pu commettre des infractions pénales ou craignant plus simplement le jugement que la société pourrait porter sur eux.
Les informations échangées entre un professionnel soumis au secret et la personne qui le consulte sont-elles si essentielles aux services de renseignement qu'il faille les inclure dans le dispositif ? Rappelons que les modalités de levée du secret prévues à l'article 226-14 du Code pénal (5) permettent aux professionnels soumis au secret de signaler les situations de danger à partir d’une évaluation précise de la situation.
Une République démocratique doit conserver des espaces préservés au sein desquels les professionnels interviennent auprès des personnes dans leur réalité, avec des objectifs de construction de projet, en dehors de toute logique de contrôle, de surveillance ou de jugement. Sans cela, le modèle sécuritaire à l’œuvre aura atteint son paroxysme, la défiance de la population envers ceux qui sont censés les aider également.
L’ANAS demande à ce que tous les professionnels soumis au secret par profession, mission ou fonction relèvent de l’amendement n° 386 adopté par les députés à l’Assemblée Nationale.
Pour le Conseil d’Administration de l’ANAS,
Anne-Brigitte COSSON, Présidente
Auteur du communiqué : Joran LE GALL, adhérent de la section Ile-de-France ;
Avec la contribution de : Simon BOUNOURE, adhérent de la section Ile-de-France
Annexes :
- Article L. 853-1 du projet de loi renseignement (extrait) :
« Peut être autorisée, lorsque les renseignements relatifs aux finalités prévues à l’article L. 811-3 ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé, l’utilisation de dispositifs techniques permettant :
« 1° La captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ou d’images dans un lieu privé ;
« 2° La captation, la transmission et l’enregistrement de données informatiques transitant par un système automatisé de données ou contenues dans un tel système.(..) »
- Arrêt du 8 avril 2014 de la Cour de justice de l'Union Européenne §58 :
« En effet, d’une part, la directive 2006/24 concerne de manière globale l’ensemble des personnes faisant usage de services de communications électroniques, sans toutefois que les personnes dont les données sont conservées se trouvent, même indirectement, dans une situation susceptible de donner lieu à des poursuites pénales. Elle s’applique donc même à des personnes pour lesquelles il n’existe aucun indice de nature à laisser croire que leur comportement puisse avoir un lien, même indirect ou lointain, avec des infractions graves. En outre, elle ne prévoit aucune exception, de sorte qu’elle s’applique même à des personnes dont les communications sont soumises, selon les règles du droit national, au secret professionnel. »
1 Amendement n°386 (2ème rect), disponible sur : http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2697/an/386.asp
2 Article L. 853-1 du projet de loi relatif au renseignement, disponible sur http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl2669.asp. Pour plus de facilité, nous mettons le texte en annexe
3 Arrêt de la CJUE du 8 avril 2014, §58, disponible sur : http://curia.europa.eu/juris/celex.jsf?celex=62012CJ0293&lang1=en&type=TXT&ancre et en annexe
4 Avis de la CNCDH du 16 avril 2015 sur le projet de loi relatif au renseignement dans sa version du 1er avril 2015, §19 (extrait), disponible sur : http://www.cncdh.fr/fr/actualite/avis-sur-le-projet-de-loi-relatif-au-renseignement
5 Article 226-14 du Code pénal - http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417952&cidTexte=LEGITEXT000006070719