Association nationale des assistants de service social

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Bolkestein : les services sociaux sont exclus de la directive européenne sur la libéralisation du marché des services


Les députés européens ont adopté le projet de directive sur la libéralisation des services, dans une version expurgée de ses aspects les plus polémiques. Notamment celui qui consistait à considérer les services sociaux comme des services économiques susceptibles d'entrer en concurrence avec des services d'autres pays de la communauté européenne



Bolkestein : les services sociaux sont exclus de la directive européenne sur la libéralisation du marché des services
La FITS, Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux à laquelle adhère l'ANAS, avait pris clairement position pour exclure les services sociaux de cette directive. Nos representants auprès des instances européennes avaient argumenté auprès des élus européens à partir d'une contribution de l'ANAS dont vous trouverez l'essentiel des arguments ci après : (Cette analyse élaborée par Cristina De Robertis avait ete proposée à la FITS en Décembre 2004 )

" 1)La directive ne donnait pas de définition des services d’intérêt général, seulement celle de service. « La notion de service recouvre toute activité économique normalement fournie contre rémunération sans que cela exige que le service soit payé par ceux qui en bénéficient et indépendamment des modalités de financement de la contrepartie économique qui fait l’objet de la rémunération. »(1)

2)Il était spécifié aussi que « la caractéristique de la rémunération faisait défaut dans les activités que l’Etat accomplit sans contrepartie économique dans le cadre de sa mission dans les domaines social, culturel, éducatif et judiciaire. Ces activités ne sont pas couvertes par la définition prévue à l’article 50 du traité et ne rentraient donc pas dans le champ d’application de la présente directive. »(2)

3)Elle vise à supprimer les obstacles qui entravent le développement des services, son objectif est d’établir un cadre juridique de liberté.

4)« Afin de supprimer les obstacles à la libre circulation des services la proposition prévoyait :
le principe du pays d’origine selon lequel le prestataire est soumis uniquement à la loi du pays dans lequel il est établi …
le droit des destinataires d’utiliser des services d’autres Etats membres sans en être empêchés par des mesures restrictives de la part de leur pays …
un mécanisme d’assistance au destinataire …
en cas de détachement des travailleurs pour prester un service, la répartition des tâches et les modalités des procédures de contrôle entre l’Etat membre d’origine et l’Etat membre de destination »

5)Elle prévoyait aussi un certain nombre de dérogations : pour les services tels que la poste, l’électricité, le gaz, l’eau. Elle ne s’appliquait pas non plus aux : services financiers, communications électroniques, services de transports et fiscalité.


Réponse aux questions clés de la FITS

Question FITS : Est-ce que la directive sur les services, qui renforce les principes du marché, doit s’appliquer aux SIG, et en particulier aux services sociaux et au travail social ?

La réponse était bien évidement NON

Question FITS : Y a-t-il des facteurs distinctifs qui justifient que le travail social et les services sociaux doivent être protégés de la pleine force de la directive proposée, en tenant compte, particulièrement du fait que le marché est déjà mixte, dans l’organisation des services sociaux dans une grande partie de l’Union Européenne ?

Un des principaux facteurs distinctifs est que les services sociaux ne traitent pas avec des marchandises, ils ont affaire à des personnes (individuellement ou en groupe), à des politiques sociales établies par l’Etat et/ou les collectivités locales (constituant des ressources et accès aux droits pour les personnes) et à des institutions qui participent d’une mission de service public et d’intérêt général, qu’elles soient publiques ou privées. Bien que l’offre de services sociaux soit déjà mixte, les services privés sont très majoritairement à but non lucratif et subventionnés par des fonds publics pour plus de 90% des budgets, ils participent donc à la mise en œuvre de la politique sociale publique.

De ce fait, les services sociaux contribuent à l’accès aux droits, à la cohésion sociale et à l’insertion des personnes vulnérables ou en difficulté. Ces personnes sont en général très peu solvables et ne sont pas en mesure de financer elles mêmes les services sociaux dont elles ont besoin.

De plus, les travailleurs sociaux interviennent sur la vie privée des personnes, sur leur vie quotidienne et leurs relations intimes. La plus grande protection doit leur être assurée en termes de qualification des professionnels, de confidentialité et de secret professionnel.

La mission du travail social est bien « d’aider des personnes ou des groupes sociaux qui, pour des raisons diverses, ne participent plus à toutes les dimensions de la vie sociale, à retisser la trame des liens de réciprocité avec autrui. Il contribue à les rendre autonomes pour exercer pleinement leurs responsabilités de citoyens. »(3)

Question FITS : Si le travail social et les services sociaux doivent être protégés d’une façon quelconque, comment devraient-ils être définis dans la directive ?

Les aspects qui devraient être mis en avant dans une définition seraient que : les services sociaux sont des structures (publiques ou privées) qui mettent en œuvre les politiques sociales existantes et qui, de plus, accomplissent une action de veille sociale face aux problèmes sociaux émergents. Ils sont aussi force de proposition et d’innovation pour répondre aux besoins sociaux au plus près des personnes concernées et pour œuvrer à la création de nouvelles réponses aux difficultés émergentes.

Les travailleurs sociaux exercent leur profession au sein des services sociaux. Il faut mettre l’accent sur la nécessité d’avoir un personnel qualifié pour exercer les missions prévues par les politiques publiques. En France, parmi les professions sociales, celle d’assistant de service social est une profession réglementée et soumise au secret professionnel. Le législateur a ainsi voulu assurer aux usagers la plus grande protection possible de leur intimité et de leur vie privée.

Question FITS : Qu’impliquent ces questions pour le développement de la politique européenne et des politiques nationales sur le développement à venir du travail social et des services sociaux ?

Le développement de la politique européenne doit s’accomplir conformément aux valeurs énoncés dans le projet de traité constitutionnel : dignité, solidarité, non discrimination.

Pour affirmer une véritable Europe sociale les principes de solidarité et de justice sociale doivent être prépondérants. Ceci implique un effort constant pour des meilleures conditions de vie pour tous, une meilleure répartition des richesses et une diminution des disparités entre les Etats membres dans le domaine social et économique, en alignant vers le haut les pays les plus déshérités.

Les assistants de service social, du fait de leur profession internationale, ont un apport important à effectuer dans le domaine de la prise en compte du facteur humain dans le cadre des services sociaux où ils travaillent. Ce facteur humain s’articule avec les droits sociaux des personnes, mais aussi avec leur participation concrète et directe aux projets qui les concernent :

Les droits sociaux doivent être garantis dans tous les états membres. Le texte du Projet de Traité Constitutionnel en fait d’ailleurs référence lorsqu’il impose le respect d’exigences sociales (art III – 2 bis) liées « à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion, ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé ».(4)

Même si la compréhension des structures européennes et des évolutions en jeu échappe, très souvent, aux usagers des services sociaux, il est de l’obligation des travailleurs sociaux de les informer et les aider à s’organiser pour faire entendre leur voix. Leur parole ne peut pas être uniquement représentée par des travailleurs sociaux ou des services sociaux. Leur participation aux décisions qui les concernent au niveau Européen doit être sollicité autant qu’ils sont sollicités pour participer au projet qui les touche personnellement. Ceci implique l’organisation collective et la représentation des usagers. En France c’est souvent un rôle dévolu aux syndicats représentatifs et à certaines associations nationales.

En tant qu’assistants sociaux nous devons œuvrer pour assurer le principe républicain d’égalité, c'est-à-dire égal traitement de tous, accès identique aux services et aux droits. Il est donc important de refuser la perspective du social à différentes vitesses selon les niveaux de solvabilité des personnes. Cette question se pose déjà de manière aiguë dans certains secteurs, notamment le secteur handicap et personnes âgées. Dans ces secteurs, des services très différents sont proposés selon les revenus des personnes et on voit de plus en plus surgir des organismes privés à but lucratif. La politique actuelle qui tend à solvabiliser les personnes à la place des subventions aux services, va aussi dans le sens d’une privatisation de l’offre de services dans le domaine social et médico-social.

Au lieu de cela, il faut travailler à offrir mieux à ceux qui en ont le moins, et compenser par une discrimination positive les fragilités et les vulnérabilités des personnes les plus défavorisées. "

notes
1- http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/lip/latest/doc/2004/com2004_0002fr01.doc
2- ni le document de la FITS ni celui de l’UNIOPSS ne font pas allusion à cet article pourtant très explicite. Cet article fait penser que les services sociaux sont exclus de la portée de la directive sur les services, car non considérés comme services contre rémunération.
3- Rapport du Conseil Economique et Social – Assemblée plénière des 23 et 24 mai 2000 – « Mutations de la Société et travail social » - Rapporteur Daniel LORTHOIS
4- Cité par UNIOPSS – Quelle prise en compte des spécificités des associations de solidarité dans la construction européenne – septembre 2004

Jeudi 16 Février 2006




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