La notion de maltraitance ou d’enfance en danger se réfère généralement à des violences qui ont lieu au sein de la sphère familiale. Or, qu’il s’agisse des établissements et services sociaux et médico-sociaux ou encore de l’institution scolaire, de loisirs, hospitalière et psychiatrique, de nombreuses affaires démontrent l’existence d’une violence institutionnelle durable et méconnue.
Cet ouvrage est le résultat d’un travail d’enquête et de réflexion critique autour de l’invisibilité des violences dites en creux, silencieuses, ordinaires, qui font de l’éducation un outil de normalisation et conditionnent la domination adulte ou l’âgisme. En s’appuyant sur des corpus théoriques issus des sciences humaines, ainsi que sur des témoignages de personnes concernées (anciens enfants placés, élèves, enfants en structure hospitalière…) et de professionnels de l’enfance et de l’adolescence, Célia Carpaye tente ici de dresser un état des lieux de ces violences indicibles.
Loin d’accabler les professionnels, cet essai se donne pour mission d’interroger ce qui fait système et questionne la dimension sociale des rapports de pouvoir ; dégradation des conditions de travail, poids des représentations sociales, héritage historique et politique, l’auteure passe au crible tous les aspects de ce qui fait institution.
À l’heure où des évolutions notables ont lieu dans le domaine de la parentalité, il semble urgent de repenser la relation éducative dans le travail social et médicosocial, à l’école… De l’usage de la Communication non violente à la connaissance de la pédagogie critique et démocratique, cet ouvrage propose un certain nombre d’outils dont les bienfaits seraient à observer tant du côté des enfants que des adultes qui les accompagnent. Loin d’être un « livre de recettes », il invite chacun à déconstruire les évidences qui forment le paradigme éducatif actuel et à imaginer d’autres possibles.
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Recension de l'ouvrage :
Dans cet essai plein d’énergie, Célia Carpaye fait preuve d’une belle audace éducative. Elle part à l’assaut de la sirupeuse doxa dominante, interrogeant par exemple la verticalité du rapport sur lequel s’instaurent trop souvent l’acte éducatif, les pratiques coercitives, la brutalité pleine de bonnes intentions des paroles d’experts et des démarches d’évaluation, le conservatisme de la tentaculaire psychologisation de comptoir, l’âgisme ou la distance professionnelle…
Tout au long de son livre, l’auteure développe des partis pris centrés sur le bien être et l’épanouissement des enfants. Ils sont parfois surprenants, comme ce début de déconstruction de la Convention internationale des droits de l’enfant car elle semble en réclamer davantage, souvent intéressants quoiqu’un peu attendus, comme son allégeance à l’éducation nouvelle ou à la communication non violente.
La pertinence des témoignages et des citations, la diversité des références et des propos dissimulent mal une rédaction laborieuse et sans brio. La narration poussive, parfois maladroite, dessert un argumentaire plus enthousiasmant que le style qui le véhicule.
Cependant, le véritable intérêt de ce livre se trouve dans ses hardiesses polémiques. Célia Carpaye alimente sans hésiter des débats contemporains confinés au petit cercle de spécialistes engagés et de publications sans échos. Les références théoriques sont nombreuses dans le livre de Célia Carpaye. Il y a les grands anciens (Mannoni, Rogers, Freire, Foucault…), ses croquettes personnelles (Rosenberg, Miller, Bourdieu, Mucchielli…) et des contemporains plus discrets (Bonnardel, Gaberan, Virat, Alvarez…).
Émaillé par-ci par-là de quelques poésies (Arkana, Prévert) qu’on aurait aimé plus nombreuses tant elles matérialisent l’élargissement du champ de références, ce petit peuple d’auteurs réchauffe le coeur de progressisme et d’idéalisme. Il rappelle l’objet de nos engagements initiaux, et stimule davantage la réflexion que nos bataillons de DRH, nos commissions et sous-commissions, ainsi que nos montagnes de guides des bonnes pratiques. À lire d’urgence et sans modération.
Éduquer sans entraver : déconstruire les violences ordinaires de Célia Carpaye n’est pas une opération de com’. C’est un véritable livre. Avec des idées sur l’éducation, des engagements relatifs à l’acte éducatif. Elle s’abstient de donner des leçons ou de tomber dans le guide d’activités. Elle ouvre, éclaire, propose… En outre, elle rappelle à l’occasion que les métiers de l’éducatif sont beaucoup plus que l’application de procédures et l’animation de dispositifs.
Ces pages redonnent du coeur à l’ouvrage.
Christophe Anché