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Conseil national de la protection de l’enfance
Il convient donc de déterminer un âge en dessous duquel, le mineur est considéré comme ne pouvant pas consentir à l’acte de pénétration sexuelle
Le CNPE fait le constat suivant :
La situation actuelle est caractérisée par la non prise en compte des spécificités propres aux enfants et aux adolescents en terme d’immaturité émotionnelle et cognitive ainsi que de leur incapacité d’opposition aux adultes, pour déterminer l’existence de la contrainte, de la menace, de la violence, de la surprise, lors d’actes sexuels commis par un adulte sur un mineur.
Ni l’âge de la victime, ni la différence d’âge entre la victime et l’auteur ne sont retenus, dans certaines procédures judiciaires récentes, comme suffisants pour considérer que l’acte sexuel a été commis sous la contrainte.
Les jeunes victimes sont alors confrontées, dans le procès pénal, à une mise à nue de leur intimité et à une inquisition de leurs émotions, sans respect pour leur degré d’autonomie psychique, provoquant un traumatisme supplémentaire. Ce processus favorise le non recours à la réponse judiciaire et aboutit à l’impunité des auteurs.
Il en résulte un déni de protection des enfants et des adolescents et un effacement de l’interdit des relations sexuelles entre un adulte et un enfant. La dissuasion est en panne.
Cette évolution est particulièrement préoccupante dans un contexte sociétal hyper-sexualisé où nous assistons à un renforcement de la mise en danger des enfants notamment par une exposition facilitée aux messages pornographiques et aux « mauvaises rencontres » sur les réseaux sociaux, dans une culture d’exhibition de l’intimité et d’anonymat.
La volonté de protéger les plus jeunes s’inscrit dans la nécessité d’une nouvelle culture du vivre ensemble se manifestant par le refus de comportements harceleurs dans les relations entre les femmes et les hommes, l’aspiration à des relations respectueuses et égalitaires entre les femmes et les hommes et une éducation sans violence.
Il est donc temps de faire évoluer le droit et sa pratique pour répondre aux besoins de protection des enfants, dans le contexte d’une société globalement (au sens mondial) de plus en plus vigilante à la lutte contre les violences sexuelles.
Le Conseil national de protection de l’enfance recommande que l’infraction de viol d’un mineur par un majeur soit redéfinie, que la rédaction juridique permette de retenir plus fréquemment la qualification de crime dans le cas d’actes de pénétration sexuelle d’un enfant et d’un adolescent par un majeur, que les principes procéduraux retenus dans la conduite des investigations et du procès, n’induisent pas des questionnements intrusifs dans l’intimité de la victime pouvant déclencher un sentiment de culpabilité. Il convient donc de déterminer un âge en dessous duquel, le mineur est considéré comme ne pouvant pas consentir à l’acte de pénétration sexuelle. Ce seuil d’âge, au regard des pratiques sexuelles, recensées auprès des adolescents et des connaissances sur la diversité du développement individuel de chacun mais aussi de la constance de certains phénomènes psychiques et sociologiques, serait en dessous de 15 ans.
Ainsi, dès lors qu’un majeur commet un acte de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans, cet acte doit être qualifié de crime.
Cette nouvelle définition doit poser un interdit clair et compréhensible par tous, base de toute politique de prévention et de protection.
Le texte présenté au conseil des ministres et débattu en première lecture les 14, 15 et 16 mai 2018 à l’Assemblée Nationale ne remplit que partiellement cet objectif.
Certes le seuil d’âge de moins de 15 ans est repris dans l’alinéa I de l’article 2, relatif au viol, pour instituer un abus de vulnérabilité que les magistrats peuvent relever lorsque la victime a moins de 15 ans. Cependant il ne s’agit que d’une possibilité reposant sur l’appréciation des juridictions qui ne constitue même pas une présomption simple.
Cet ajout ne changera donc rien à la situation actuelle. Le mineur victime sera toujours soumis à des investigations intrusives dans sa vie privée et son intimité psychique et émotionnelle. L’immaturité émotionnelle et cognitive d’un mineur de moins de 15 ans n’est donc pas retenue comme un élément inhérent à l’enfance, rendant les mineurs plus vulnérables que des adultes et appelant ainsi à une protection renforcée spécifique. Cette évidence n’a pas suffisamment pesé face à l’appréciation du conseil d’Etat de la jurisprudence du conseil constitutionnel. Le CNPE rappelle que la convention relative aux droits de l’enfant précise, dans son article 3, « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait […] des tribunaux, des autorités administratives, des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Cette priorité peut certainement permettre d’envisager une nouvelle approche des principes juridiques par le Conseil d’Etat et le conseil Constitutionnel.
Communiqué du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE)
Concernant le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, et plus particulièrement sur son article 2 relatif à la répression des infractions sexuelles sur mineurs.
Le Conseil national de protection de l’enfance (CNPE) tient à réagir sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et plus particulièrement sur son article 2 relatif à la répression des infractions sexuelles sur mineurs.
Le Conseil national de protection de l’enfance recommande que l’infraction de viol d’un mineur par un majeur soit redéfinie :
Le Conseil national de protection de l’enfance (CNPE) tient à réagir sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et plus particulièrement sur son article 2 relatif à la répression des infractions sexuelles sur mineurs.
Le Conseil national de protection de l’enfance recommande que l’infraction de viol d’un mineur par un majeur soit redéfinie :
- que la rédaction juridique permette de retenir plus fréquemment la qualification de crime dans le cas d’actes de pénétration sexuelle d’un enfant et d’un adolescent par un majeur,
- que les principes procéduraux retenus dans la conduite des investigations et du procès, n’induisent pas des questionnements intrusifs dans l’intimité de la victime pouvant déclencher un sentiment de culpabilité.
Il convient donc de déterminer un âge en dessous duquel, le mineur est considéré comme ne pouvant pas consentir à l’acte de pénétration sexuelle
Le CNPE fait le constat suivant :
La situation actuelle est caractérisée par la non prise en compte des spécificités propres aux enfants et aux adolescents en terme d’immaturité émotionnelle et cognitive ainsi que de leur incapacité d’opposition aux adultes, pour déterminer l’existence de la contrainte, de la menace, de la violence, de la surprise, lors d’actes sexuels commis par un adulte sur un mineur.
Ni l’âge de la victime, ni la différence d’âge entre la victime et l’auteur ne sont retenus, dans certaines procédures judiciaires récentes, comme suffisants pour considérer que l’acte sexuel a été commis sous la contrainte.
Les jeunes victimes sont alors confrontées, dans le procès pénal, à une mise à nue de leur intimité et à une inquisition de leurs émotions, sans respect pour leur degré d’autonomie psychique, provoquant un traumatisme supplémentaire. Ce processus favorise le non recours à la réponse judiciaire et aboutit à l’impunité des auteurs.
Il en résulte un déni de protection des enfants et des adolescents et un effacement de l’interdit des relations sexuelles entre un adulte et un enfant. La dissuasion est en panne.
Cette évolution est particulièrement préoccupante dans un contexte sociétal hyper-sexualisé où nous assistons à un renforcement de la mise en danger des enfants notamment par une exposition facilitée aux messages pornographiques et aux « mauvaises rencontres » sur les réseaux sociaux, dans une culture d’exhibition de l’intimité et d’anonymat.
La volonté de protéger les plus jeunes s’inscrit dans la nécessité d’une nouvelle culture du vivre ensemble se manifestant par le refus de comportements harceleurs dans les relations entre les femmes et les hommes, l’aspiration à des relations respectueuses et égalitaires entre les femmes et les hommes et une éducation sans violence.
Il est donc temps de faire évoluer le droit et sa pratique pour répondre aux besoins de protection des enfants, dans le contexte d’une société globalement (au sens mondial) de plus en plus vigilante à la lutte contre les violences sexuelles.
Le Conseil national de protection de l’enfance recommande que l’infraction de viol d’un mineur par un majeur soit redéfinie, que la rédaction juridique permette de retenir plus fréquemment la qualification de crime dans le cas d’actes de pénétration sexuelle d’un enfant et d’un adolescent par un majeur, que les principes procéduraux retenus dans la conduite des investigations et du procès, n’induisent pas des questionnements intrusifs dans l’intimité de la victime pouvant déclencher un sentiment de culpabilité. Il convient donc de déterminer un âge en dessous duquel, le mineur est considéré comme ne pouvant pas consentir à l’acte de pénétration sexuelle. Ce seuil d’âge, au regard des pratiques sexuelles, recensées auprès des adolescents et des connaissances sur la diversité du développement individuel de chacun mais aussi de la constance de certains phénomènes psychiques et sociologiques, serait en dessous de 15 ans.
Ainsi, dès lors qu’un majeur commet un acte de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans, cet acte doit être qualifié de crime.
Cette nouvelle définition doit poser un interdit clair et compréhensible par tous, base de toute politique de prévention et de protection.
Le texte présenté au conseil des ministres et débattu en première lecture les 14, 15 et 16 mai 2018 à l’Assemblée Nationale ne remplit que partiellement cet objectif.
Certes le seuil d’âge de moins de 15 ans est repris dans l’alinéa I de l’article 2, relatif au viol, pour instituer un abus de vulnérabilité que les magistrats peuvent relever lorsque la victime a moins de 15 ans. Cependant il ne s’agit que d’une possibilité reposant sur l’appréciation des juridictions qui ne constitue même pas une présomption simple.
Cet ajout ne changera donc rien à la situation actuelle. Le mineur victime sera toujours soumis à des investigations intrusives dans sa vie privée et son intimité psychique et émotionnelle. L’immaturité émotionnelle et cognitive d’un mineur de moins de 15 ans n’est donc pas retenue comme un élément inhérent à l’enfance, rendant les mineurs plus vulnérables que des adultes et appelant ainsi à une protection renforcée spécifique. Cette évidence n’a pas suffisamment pesé face à l’appréciation du conseil d’Etat de la jurisprudence du conseil constitutionnel. Le CNPE rappelle que la convention relative aux droits de l’enfant précise, dans son article 3, « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait […] des tribunaux, des autorités administratives, des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Cette priorité peut certainement permettre d’envisager une nouvelle approche des principes juridiques par le Conseil d’Etat et le conseil Constitutionnel.
L’alinéa II du texte, reprend cette approche, mais dans le cadre de la répression des atteintes sexuelles. Il institue un nouveau délit de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans par un majeur. Ce nouveau délit est puni de 10 ans de prison. Le renforcement de la peine constitue une reconnaissance de la gravité de l’acte et acquiert un aspect plus dissuasif d’autant plus que le seuil d’âge est un élément de l’infraction.
L’interdit est donc clairement posé : tout acte de pénétration sexuelle d’un mineur par un majeur est interdit par la loi et est puni, en dehors d’une qualification de viol, d’une peine maximale de 10 ans de prison.
Cependant l’articulation des 2 paragraphes de l’article 2 du projet de loi a pour conséquence de qualifier de délit l’acte de pénétration sexuelle d’un mineur par un majeur sans améliorer de façon significative la possibilité de le qualifier de crime. Ce qui peut être compris (et l’est déjà) comme : il est moins grave aux yeux de la loi de commettre un viol sur un mineur que sur un majeur. Violer un enfant ne serait plus un crime.
Ainsi, bien que l’interdit sexuel soit mieux clairement posé, le message symbolique et sociétal devient paradoxal. Il convient de revoir l’équilibre du texte.
Le CNPE recommande donc l’évolution de la rédaction du premier paragraphe de l’article 2 du projet de loi, pour instaurer une infraction criminelle spécifique, posant l’interdiction absolue pour tout majeur de commettre un acte de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans.
Le CNPE recommande également que les dispositifs d’information et de prévention rappelant l’interdit, pour tout majeur, de commettre un acte de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans soient largement diffusés, notamment sur les réseaux sociaux et sur les différents supports ludiques, culturels, d’information et même de prévention présents sur internet.
Le CNPE recommande un renforcement des dispositifs d’éducation sexuelle et affective auprès des jeunes, en milieu scolaire mais aussi dans tous les lieux accueillant des mineurs
Le CNPE recommande le déploiement sur l’ensemble du territoire des Unités d’Accueil Médico-judiciaires pédiatriques, permettant d’accueillir et de recueillir dans des conditions dignes et adaptées les victimes mineures et leurs paroles.
Michèle Créoff
Pour le bureau du CNPE
Le 17 mai 2018