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L'ANAS a suivi avec attention le procès engagé à l'encontre d'un cadre d'action sociale d'Ille et Vilaine qui avait refusé de transmettre l'adresse d'un usager du service social à un officier de police judiciaire. Le professionnel a été condamné à 300 euros d'amende avec sursis.
Le responsable du CDAS s'est retrouvé face à un dilemme :
Le responsable du CDAS s'est retrouvé face à un dilemme :
- Répondre à une réquisition en remettant les documents intéressant l'enquête et transgresser l'article 226-13 [1] du code pénal (qui le soumet en tant qu'assistant de service social au secret professionnel)
- Refuser de répondre à la réquisition et commettre une infraction à l'article 60-1 [2] du code de procédure pénale
Les Assistants de Service Social ne peuvent pas devenir des sources d'information pour les services de police et de gendarmerie, au risque de ne plus pouvoir remplir leur mission d'aide auprès des publics qu'ils côtoient.
Rappelons quelques évidences :
Le secret professionnel c'est l'interdiction qui est faite aux professionnels qui y sont soumis de divulguer des informations dont ils ont eu connaissance.
A quoi sert-il ? Il donne la possibilité aux personnes concernées d'exposer à des professionnels leurs difficultés, leurs erreurs, leurs maux, dans un espace sécurisé, en toute confiance, dans le but de pouvoir être aidés que ce soit dans le domaine du soin, de la justice ou du social (médecin, avocat, assistant de service social).
Ce secret professionnel permet de nouer une relation d'aide et de confiance avec des personnes qui sont susceptibles de ne pas avoir respecté la loi, notamment dans le cadre de délits et parfois même de crimes. Les assistants de service social peuvent, dans certains cas [3], lever le secret lorsqu'une personne ou un enfant est en danger par exemple. Il leur est désormais demandé de le lever pour des délits qui, même s'ils justifient une intervention de l'ordre public, ne relèvent pas de la compétence d'un travailleur social. Bien évidemment un assistant de service social dès lors qu'il a connaissance du fait qu'un usager agisse dans l'illégalité, met œuvre les moyens dont il dispose pour que la personne concernée se mette en règle avec la loi. Il ne dénonce pas les auteurs de délits mais les aide à prendre conscience de leurs actes afin qu'ils cessent leurs pratiques et se mettent en conformité avec la loi.
L'accès à l'information de la police et de la gendarmerie se traduit par des demandes de remise de documents prévus par la loi. L’article 60-1 du code de procédure pénale sus-cité, créé par la loi du 9 mars 2004, autorise la remise de copie de documents administratifs sans attendre la demande d’un juge et sans pouvoir, sauf motif légitime, y opposer le secret professionnel.
C'est ce motif légitime qui a semble t-il fait défaut ou n'a pas suffisamment été argumenté par la défense qui s'est basée sur l'incohérence que fait naître la juxtaposition de deux textes de lois s'imposant à l'assistant de service social.
Quel motif peut donc être légitime aujourd'hui aux yeux de la justice ? Invoquer un risque de défiance du public et donc de perte de crédibilité du travail social au sein de la population est-il suffisant pour que les informations dont a besoin la police soient recherchées ailleurs ? Qui plus est lorsqu'elles sont accessibles auprès d'autres services.
Comment va désormais pouvoir agir un assistant de service social si un parent ou un jeune vient lui-même l'informer qu'il est dépendant à un produit et se trouve de fait auteur de délits liés à sa toxicomanie ? Comment peut-il continuer de travailler si l'auteur d'un délit routier ou ne respectant pas ses obligations parentales est informé que c'est l’assistant de service social qui le rencontre ou même son service qui a transmis des informations à la police ? Ne pas dénoncer ce n'est pas cautionner, c'est un moyen de permettre au professionnel de continuer de travailler auprès de la personne pour qu'elle prenne conscience de ses responsabilités et de ses agissements.
C'est pourquoi nous réaffirmons à l'ANAS qu'il n'est pas de la mission d'un assistant de service social de devenir un informateur de la police ou de la gendarmerie.
Les travailleurs sociaux respectent le travail de la police et de la gendarmerie dans ses missions de service public auprès de la population. Nous demandons que les travailleurs sociaux soumis au secret professionnel (notamment par mission ou par fonction) soient eux aussi respectés. Il est regrettable dans cette affaire que cette dimension n'ait pu être prise en compte et que le débat ne se soit pas placé sur un champ plus large, celui de l'éthique, ainsi que celui de la prévention et de ce qu'elle apporte en termes de bénéfice sociétal.
Nous incitons enfin les professionnels à demander à leur hiérarchie de mettre en place ou clarifier les procédures pour qu'en cas de demande d'un officier de police judiciaire, ce soit l'autorité administrative qui communique les informations réclamées et non pas un travailleur social.
Ceci doit aussi faire réfléchir sur les « traces » que nous laissons dans les dossiers sociaux, informatisés ou non, dossiers qui sont la propriété du service et peuvent être communiqués à la police.
L'association apporte son soutien entier à ce cadre, assistant de service social, qui a cherché à respecter le secret professionnel auquel il est tenu au titre de l'article L411-3 du code de l'action sociale et des familles. Il a aussi en cela respecté le code de déontologie de l'association.
Le Conseil d’Administration de l'ANAS
Le 21 juin 2016
[1] « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
[2] « Le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des informations ne peut intervenir qu'avec leur accord. A l'exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, le fait de s'abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d'une amende de 3 750 euros. »
[3] « L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être, mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ;
3° Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi. »
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être, mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ;
3° Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi. »