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Gratification des stages : Notre analyse et nos demandes
La gratification des stages est instaurée par l’article 9 de la loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances. La confusion générée par la circulaire DGAS/4A/5B/2008/67 du 27 février 2008 venant préciser les modalités d'application du décret n° 2008-96 du 31 janvier 2008, et instituant une gratification pour les stages de niveau III d’une durée de plus de trois mois ainsi que l’évolution du mouvement de protestation en cours attestent de la complexité des enjeux en présence.
Nous en identifions trois niveaux : les étudiants, les formations (et par conséquent les professions) et les institutions.
LES ÉTUDIANTS
Les étudiants en travail social dénoncent la précarité étudiante grandissante depuis de nombreuses années entraînant entre autre un arrêt de la formation pour certains, un parasitage des apprentissages par le contexte de vie pour d’autres, la sélection des futurs professionnels par leur niveau de ressource.
Les nombreuses mobilisations étudiantes, entre autre, ont permis la revalorisation des bourses au niveau des bourses universitaires. Cependant contrairement à celles de l’éducation nationale, les enveloppes administrées par nos organismes de tutelles ont un montant limité. Ce ne sont donc pas uniquement des critères sociaux qui en déterminent l’attribution.
Rappelons que l’enjeu de la loi est celui de « l’égalité des chances » et le projet est « de mettre fin aux situations d’inégalité des chances et de discrimination dont sont victimes les populations des quartiers difficiles, particulièrement les jeunes. »
Pour permettre une réelle égalité des chances et mettre fin aux situations discriminatoires, il devient impératif de répondre à la précarité sociale des étudiants en formation de travail social, quels que soient les niveaux de diplômes, par des bourses attribuées sur critères sociaux, hors considération d’un montant d’enveloppe budgétaire limité.
La gratification des stages, elle, ne permet pas de répondre à la précarité étudiante même si elle constitue un plus par rapport à l’état antérieur de la situation : elle est ponctuelle (durée du stage), ne concerne que l’enseignement supérieur, et n’est pas associée à un niveau de ressource particulier. Par ailleurs ses modalités d’application sont en elles-mêmes discriminatoires puisqu’elles instituent une différence de traitement selon le terrain de stage.
Les deux exigences de la gratification et de bourses étudiantes sur critères sociaux doivent être clairement distinguées. Les confondre nous semble créer le risque d’une confusion entre deux sujets qui peut faire perdre de la lisibilité et de la force à la revendication.
Le gel de l’application du décret dans le secteur social, revendication exprimée par la coordination des étudiants lors de leur assemblée générale du 25 avril 2008, ne nous paraît pas tenable : seul un décret abrogeant le décret en cause pourrait répondre à cette demande. Il est peu probable qu’une telle décision, remettant en cause ce qui est un acquis pour les stagiaires d’autres champs que le social, soit prise par le gouvernement. Elle laisserait donc les institutions prenant des stagiaires devant le risque d’être poursuivi par des étudiants exigeant, a posteriori, les gratifications correspondant aux stages effectués. Ce seul risque suffit à limiter l’offre de stage et ne répond donc pas aux besoins des étudiants en formation.
LES INSTITUTIONS :
Dans l’exposé des motifs de la loi sur l’égalité des chances, le gouvernement s’est engagé à mettre « tout en œuvre, par la loi et par diverses autres mesures, pour atteindre cet objectif ». Or il semblerait qu’il mette tout en œuvre sauf la détermination d’enveloppes budgétaires allouées aux lieux de stage afin de leur permettre d’honorer leurs obligations législatives…
En conséquence, certains organismes, associations, institutions, décident de ne plus accueillir de stagiaires, n’étant pas en mesures de leur attribuer de gratification. Cette difficulté n’atteint pas de manière identique les différents terrains de stages. A titre d’exemple :
- dans le milieu de l’entreprise qui dégage des bénéfices, le vote de cette gratification, jusqu’alors facultative, permet effectivement de lutter contre les discriminations et d’imposer aux entreprises un effort nécessaire et légitime dans un contexte financier qui le permet.
- Dans le milieu associatif subventionné, la possibilité d’accueil de stagiaires dépendra des organismes de tutelles et de la capacité à anticiper cette charge financière supplémentaire sur les demandes de budget pour l’an prochain. Cela les place en difficulté cependant quant à la gratification des stagiaires déjà accueillis depuis février 2008 et pour lesquels les financements n’ont pu être anticipés.
- Dans le milieu associatif non ou peu subventionné mais agissant cependant au service des populations, les possibilités d’accueil de stagiaires se voient quasi réduites à néant.
Par ailleurs, et de manière tout à fait paradoxale concernant une loi prônant l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations, la circulaire exempte l’Etat et les Collectivités Territoriales d’une telle gratification alors même que ce sont les mieux à même de la financer !
La gratification des stages ne doit pas s’effectuer selon des modalités discriminantes : terrains professionnels privés ou terrains professionnels publics, les stages doivent tous permettre l’accès à la gratification. Des moyens clairement définis doivent être alloués pour une mise en œuvre effective et immédiate de cette loi.
LA FORMATION ET PAR CONSÉQUENCE LA PROFESSION :
L’absence de moyens adéquats entraîne la disparition des lieux de stages. Cela amène :
- un appauvrissement de la diversité des lieux d’accueil de stagiaires et en conséquence une perte considérable dans l’observation et l’apprentissage de pratiques diversifiées
- la disparition des stages longs au profit des stages de moins de 3 mois alors que les acquisitions nécessitent une inscription dans la durée, en particulier pour les stages à responsabilité
- à terme, une menace du principe même de l’alternance, réaffirmé de façon unanime depuis la création de nos professions comme un fondement reconnu de l’acquisition de nos compétences
Pourtant, en introduction de la charte des stages étudiants en entreprise adoptée le 26 avril 2006, les différents ministères soulignent que : « Le développement des stages est aujourd’hui fondamental en matière d’orientation et d’insertion professionnelle des jeunes. En effet, le stage permet la mise en oeuvre de connaissances théoriques dans un cadre professionnel et donne à l’étudiant une expérience du monde de l’entreprise et de ses métiers. »
Les formations de niveau III en travail social appartiennent à l’enseignement supérieur. Est considéré comme enseignement supérieur l’organisation et les services liés à divers types d'enseignement dispensés dans les institutions post-secondaires, tels que les collèges, les instituts ou les universités et permettant, en fin d'études, l'obtention d'un grade, d'un diplôme ou d'un certificat.
La gratification des stages pour les diplômes de niveau III confirme l’inscription de nos formations dans l’enseignement supérieur et il est donc, en cohérence, tout à fait légitime de réclamer aujourd’hui la reconnaissance de nos diplômes au niveau Bachelor (Licence européenne – « bac+ 3 »). Rappelons que cette reconnaissance et cette revalorisation de nos diplômes seraient aussi en cohérence avec le cadre européen. A ce titre, s’il est légitime de demander l’existence de la gratification pour les formations de niveau IV, c’est à travers l’adoption d’un texte réglementaire spécifique à ces formations. La mise au même niveau des formations de niveaux III et IV ne correspond pas à la réalité des différences entre ces formations, notamment au regard des compétences enseignées et exigées.
Les étudiants, les centres de formation, les institutions accueillant les stagiaires, les financeurs potentiels et l’Etat sont chacun dans leur logique propre. Conformément à l’analyse posée par l’ANAS le 10 mars 2008, nous soutenons :
- Tous les acteurs qui s’engagent pour que les stages de plus de trois mois des formations de Niveau III soient tous assortis d’une gratification.
- La mise en place de bourses sur critères sociaux pour les étudiants.
- Les initiatives visant à ce que les formations de niveau III soient reconnues au niveau Bachelor (« Bac+3 »). Depuis un an, l’ANAS a pris des initiatives en ce sens et nous élargissons aujourd’hui nos contacts avec différents acteurs du monde professionnel pour avancer sur ce sujet.
- Nous proposons une rencontre avec une délégation de la coordination des étudiants afin d’avoir un échange sur nos convergences et divergences, et soutenons l’appel à la manifestation du 13 mai 2008. Le président et des responsables de l’association y seront présents.
Nous demandons à l’Etat de prendre acte des difficultés d’application pour cette année et :
- De trouver, de manière transitoire et avec les partenaires concernés des solutions en terme de financement des structures d’accueil des stagiaires.
- D’ouvrir des discussions avec tous les acteurs afin de déterminer les moyens permettant une pérennisation de ces gratifications en 2009.
La gratification des stages est instaurée par l’article 9 de la loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances. La confusion générée par la circulaire DGAS/4A/5B/2008/67 du 27 février 2008 venant préciser les modalités d'application du décret n° 2008-96 du 31 janvier 2008, et instituant une gratification pour les stages de niveau III d’une durée de plus de trois mois ainsi que l’évolution du mouvement de protestation en cours attestent de la complexité des enjeux en présence.
Nous en identifions trois niveaux : les étudiants, les formations (et par conséquent les professions) et les institutions.
LES ÉTUDIANTS
Les étudiants en travail social dénoncent la précarité étudiante grandissante depuis de nombreuses années entraînant entre autre un arrêt de la formation pour certains, un parasitage des apprentissages par le contexte de vie pour d’autres, la sélection des futurs professionnels par leur niveau de ressource.
Les nombreuses mobilisations étudiantes, entre autre, ont permis la revalorisation des bourses au niveau des bourses universitaires. Cependant contrairement à celles de l’éducation nationale, les enveloppes administrées par nos organismes de tutelles ont un montant limité. Ce ne sont donc pas uniquement des critères sociaux qui en déterminent l’attribution.
Rappelons que l’enjeu de la loi est celui de « l’égalité des chances » et le projet est « de mettre fin aux situations d’inégalité des chances et de discrimination dont sont victimes les populations des quartiers difficiles, particulièrement les jeunes. »
Pour permettre une réelle égalité des chances et mettre fin aux situations discriminatoires, il devient impératif de répondre à la précarité sociale des étudiants en formation de travail social, quels que soient les niveaux de diplômes, par des bourses attribuées sur critères sociaux, hors considération d’un montant d’enveloppe budgétaire limité.
La gratification des stages, elle, ne permet pas de répondre à la précarité étudiante même si elle constitue un plus par rapport à l’état antérieur de la situation : elle est ponctuelle (durée du stage), ne concerne que l’enseignement supérieur, et n’est pas associée à un niveau de ressource particulier. Par ailleurs ses modalités d’application sont en elles-mêmes discriminatoires puisqu’elles instituent une différence de traitement selon le terrain de stage.
Les deux exigences de la gratification et de bourses étudiantes sur critères sociaux doivent être clairement distinguées. Les confondre nous semble créer le risque d’une confusion entre deux sujets qui peut faire perdre de la lisibilité et de la force à la revendication.
Le gel de l’application du décret dans le secteur social, revendication exprimée par la coordination des étudiants lors de leur assemblée générale du 25 avril 2008, ne nous paraît pas tenable : seul un décret abrogeant le décret en cause pourrait répondre à cette demande. Il est peu probable qu’une telle décision, remettant en cause ce qui est un acquis pour les stagiaires d’autres champs que le social, soit prise par le gouvernement. Elle laisserait donc les institutions prenant des stagiaires devant le risque d’être poursuivi par des étudiants exigeant, a posteriori, les gratifications correspondant aux stages effectués. Ce seul risque suffit à limiter l’offre de stage et ne répond donc pas aux besoins des étudiants en formation.
LES INSTITUTIONS :
Dans l’exposé des motifs de la loi sur l’égalité des chances, le gouvernement s’est engagé à mettre « tout en œuvre, par la loi et par diverses autres mesures, pour atteindre cet objectif ». Or il semblerait qu’il mette tout en œuvre sauf la détermination d’enveloppes budgétaires allouées aux lieux de stage afin de leur permettre d’honorer leurs obligations législatives…
En conséquence, certains organismes, associations, institutions, décident de ne plus accueillir de stagiaires, n’étant pas en mesures de leur attribuer de gratification. Cette difficulté n’atteint pas de manière identique les différents terrains de stages. A titre d’exemple :
- dans le milieu de l’entreprise qui dégage des bénéfices, le vote de cette gratification, jusqu’alors facultative, permet effectivement de lutter contre les discriminations et d’imposer aux entreprises un effort nécessaire et légitime dans un contexte financier qui le permet.
- Dans le milieu associatif subventionné, la possibilité d’accueil de stagiaires dépendra des organismes de tutelles et de la capacité à anticiper cette charge financière supplémentaire sur les demandes de budget pour l’an prochain. Cela les place en difficulté cependant quant à la gratification des stagiaires déjà accueillis depuis février 2008 et pour lesquels les financements n’ont pu être anticipés.
- Dans le milieu associatif non ou peu subventionné mais agissant cependant au service des populations, les possibilités d’accueil de stagiaires se voient quasi réduites à néant.
Par ailleurs, et de manière tout à fait paradoxale concernant une loi prônant l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations, la circulaire exempte l’Etat et les Collectivités Territoriales d’une telle gratification alors même que ce sont les mieux à même de la financer !
La gratification des stages ne doit pas s’effectuer selon des modalités discriminantes : terrains professionnels privés ou terrains professionnels publics, les stages doivent tous permettre l’accès à la gratification. Des moyens clairement définis doivent être alloués pour une mise en œuvre effective et immédiate de cette loi.
LA FORMATION ET PAR CONSÉQUENCE LA PROFESSION :
L’absence de moyens adéquats entraîne la disparition des lieux de stages. Cela amène :
- un appauvrissement de la diversité des lieux d’accueil de stagiaires et en conséquence une perte considérable dans l’observation et l’apprentissage de pratiques diversifiées
- la disparition des stages longs au profit des stages de moins de 3 mois alors que les acquisitions nécessitent une inscription dans la durée, en particulier pour les stages à responsabilité
- à terme, une menace du principe même de l’alternance, réaffirmé de façon unanime depuis la création de nos professions comme un fondement reconnu de l’acquisition de nos compétences
Pourtant, en introduction de la charte des stages étudiants en entreprise adoptée le 26 avril 2006, les différents ministères soulignent que : « Le développement des stages est aujourd’hui fondamental en matière d’orientation et d’insertion professionnelle des jeunes. En effet, le stage permet la mise en oeuvre de connaissances théoriques dans un cadre professionnel et donne à l’étudiant une expérience du monde de l’entreprise et de ses métiers. »
Les formations de niveau III en travail social appartiennent à l’enseignement supérieur. Est considéré comme enseignement supérieur l’organisation et les services liés à divers types d'enseignement dispensés dans les institutions post-secondaires, tels que les collèges, les instituts ou les universités et permettant, en fin d'études, l'obtention d'un grade, d'un diplôme ou d'un certificat.
La gratification des stages pour les diplômes de niveau III confirme l’inscription de nos formations dans l’enseignement supérieur et il est donc, en cohérence, tout à fait légitime de réclamer aujourd’hui la reconnaissance de nos diplômes au niveau Bachelor (Licence européenne – « bac+ 3 »). Rappelons que cette reconnaissance et cette revalorisation de nos diplômes seraient aussi en cohérence avec le cadre européen. A ce titre, s’il est légitime de demander l’existence de la gratification pour les formations de niveau IV, c’est à travers l’adoption d’un texte réglementaire spécifique à ces formations. La mise au même niveau des formations de niveaux III et IV ne correspond pas à la réalité des différences entre ces formations, notamment au regard des compétences enseignées et exigées.
Les étudiants, les centres de formation, les institutions accueillant les stagiaires, les financeurs potentiels et l’Etat sont chacun dans leur logique propre. Conformément à l’analyse posée par l’ANAS le 10 mars 2008, nous soutenons :
- Tous les acteurs qui s’engagent pour que les stages de plus de trois mois des formations de Niveau III soient tous assortis d’une gratification.
- La mise en place de bourses sur critères sociaux pour les étudiants.
- Les initiatives visant à ce que les formations de niveau III soient reconnues au niveau Bachelor (« Bac+3 »). Depuis un an, l’ANAS a pris des initiatives en ce sens et nous élargissons aujourd’hui nos contacts avec différents acteurs du monde professionnel pour avancer sur ce sujet.
- Nous proposons une rencontre avec une délégation de la coordination des étudiants afin d’avoir un échange sur nos convergences et divergences, et soutenons l’appel à la manifestation du 13 mai 2008. Le président et des responsables de l’association y seront présents.
Nous demandons à l’Etat de prendre acte des difficultés d’application pour cette année et :
- De trouver, de manière transitoire et avec les partenaires concernés des solutions en terme de financement des structures d’accueil des stagiaires.
- D’ouvrir des discussions avec tous les acteurs afin de déterminer les moyens permettant une pérennisation de ces gratifications en 2009.