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A sa lecture nous pouvons constater qu'il est beaucoup plus consensuel que ne l'était le rapport de décembre 2014 de la même commission. La proposition de formation commune sur deux années avec spécialisation sur la troisième a été abandonnée comme s'y était engagée Mme Neuville. Le maintien des diplômes, et, nous l'espérons, des titres, est acté avec des filières correspondant à des méthodes d'intervention spécifiques.
La correspondance des diplômes avec le niveau licence est bien entendu évoquée mais à ce stade de la réflexion, la réingénierie et son contenu sont à construire.
Sur l’alternance intégrative
On ne peut que constater la raréfaction des terrains de stage dont l’origine est multifactorielle. Dans son communiqué de janvier 2012 [1], l'ANAS rapportait que les freins à l'accueil des stagiaires étaient :
- la gratification des stages,
- le manque de moyens et de temps pour les professionnels,
- le manque de reconnaissance des formateurs de sites qualifiants,
- le partenariat professionnels/sites qualifiants/centres de formation.
Le rapport préconise (p.9) de « garantir le financement des gratifications des stagiaires ». L’ANAS avait en son temps appelé des mesures permettant de solvabiliser ces gratifications car on ne peut que corréler la diminution, voire le refus de certains employeurs d’accueillir des stagiaires, avec les budgets de plus en plus contraints auxquels ils doivent faire face. La création d’un fonds dédié est nécessaire et aurait de fait un impact positif.
Les tensions dans lesquelles se trouvent les professionnels, et notamment la dimension temporelle qui leur impose parfois de faire des choix dans leur emploi du temps, mais aussi des locaux souvent inadaptés et les réorganisations de services sont autant de freins pour l'accueil d'un stagiaire.
« La reconnaissance des tuteurs » si elle permet de valoriser symboliquement leur engagement, par du temps dédié à l’accompagnement pédagogique inhérent à cette fonction, et par l’accès à des formations est un autre facteur de déblocage de ces freins.
Il ne faudrait toutefois pas, comme semble le proposer la CPC, accepter que les stagiaires soient amenés à abandonner un processus de « maturation professionnelle » qui nécessite « la prise de conscience des responsabilités que ce métier implique » [2], en « diversifiant les modes de professionnalisation ».
La solution ne nous paraît pas être de « faire évoluer les textes règlementaires » une nouvelle fois. La circulaire interministérielle du 15 mars 2015 prévoit déjà des possibilités de faire évoluer l’alternance intégrative, en recourant à des stages pluri-institutionnels, avec le risque de multiplier les lieux et situations de stage pour un même étudiant en occultant un réel travail de construction de la relation professionnelle [3].
Le rapport de la CPC mentionne que le « caractère intégratif des stages relève en particulier de la confrontation des étudiants à de nouvelles pratiques (dispositifs exploratoires d'enquêtes, de mise en perspective, de projets territoriaux voire des appuis à des recherches) ... L'alternance intégrative ne doit donc pas se limiter à la modalité du stage ».
Les centres de formation et les sites qualifiants doivent être particulièrement vigilants à cette disposition, relevant d’une « alternance […] plus moderne», comme l’indique le rapport. La segmentation d’un travail d’accompagnement des publics, la dispersion des diverses acquisitions de terrain, la difficulté pour l’étudiant d’avoir de multiples interlocuteurs, peuvent remettre en cause son processus de professionnalisation.
La nécessaire adaptation des DE au cahier des charges du niveau licence ne devra pas se faire au détriment du temps de stage. Il pourrait être utile de se rapprocher des centres de formation qui ont pratiqué le double cursus DE/licence et d’autres pays Européens où la formation des ASS est universitaire, et de modéliser leur expérience.
Sur le socle commun
Le rapport revient sur une notion déjà évoquée en 2014, celle de l'identité de travailleur social (p.4). S'il est admis que nous avons une culture commune basée sur le rapprochement de nos métiers par des enseignements communs lors de nos formations initiales, l'intervention auprès des mêmes publics et des convergences d'intérêt professionnel, nos cœurs de métiers sont différents et nous tenons à les préserver pour offrir une diversité d'intervention à la population.
Il faut rappeler que le socle commun tel qu'il est appréhendé jusqu'à présent dans les centres de formation est davantage centré sur l'acquisition d'une culture commune et pas seulement des connaissances et compétences. Ce point est important car les enseignements devront être délivrés à des étudiants qui devront pouvoir les mettre en perspective de leurs modes d'intervention différenciés. Ceci signifie que sur la modalité d'enseignement il doit être fait place à des travaux en petits groupes afin de pouvoir se réapproprier la pratique. Faute de quoi il y a un risque de nivellement et d'appauvrissement.
Le socle commun de formation doit permettre une analyse et une réflexion commune sur les situations rencontrées. Il doit contribuer à une prise en compte diversifiée des besoins des différents publics, et une approche complémentaire des modalités d’intervention.
La notion de spécialisation progressive est intéressante dans la mesure où elle doit, tout au long des trois années de formation, permettre d'affirmer l'identité de chaque métier par comparaison au socle commun.
Cependant la CPC annonce d'emblée qu'elle s'est focalisée sur les aspects communs aux différents diplômes et pas sur leurs spécificités.
Le contenu de ce socle est décliné en trois registres : compétences éthiques et de positionnement professionnel, compétences techniques en intervention sociale, compétences transférables, tel qu'il avait été préfiguré dans le rapport de la CPC de décembre 2014. La porte d'entrée par les compétences renvoie aux différents « domaines de compétences » tels que prévus dans les référentiels des métiers.
En ce qui concerne les compétences techniques, sont listés dans le désordre et sans articulation, des éléments constitutifs de la méthodologie d’intervention qui n'est pas nommée. On a le sentiment que ces compétences renvoient davantage aux missions et fonctions telles que définies par les employeurs plutôt qu'aux besoins des populations.
Sur la nouvelle architecture
Elle doit permettre de valoriser le travail social, notamment par l'attractivité que procurera la reconnaissance au niveau bac+3 donc licence, et la possibilité de poursuivre un cursus en master, qu’il serait nécessaire de garantir.
Si dans un premier temps, la CPC indique qu'il ne sera pas créé de diplôme en niveau III, dans un deuxième temps le rapport précise que « la création de nouveaux diplômes en niveau III peut s'envisager pour satisfaire des besoins sociaux non couverts dans la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et services à la personne : notamment d'encadrement de proximité ». En quoi les diplômes de niveau II ne pourraient-ils pas répondre à ces besoins ? C'est à nouveau réintroduire une multiplication des métiers.
Avec les propositions de passerelles avec les divers BTS cités dans le rapport, le DUT (carrières sociales) ainsi que la multiplication des licences professionnelles, les diplômes de niveau II risquent fort d'être mis en concurrence avec des formations dont le niveau d’accès est moindre et surtout sans processus de professionnalisation. En effet, la durée des stages est nettement inférieure aux formations de travail social (même sur 2 ans). L’alternance intégrative n’est pas le modèle proposé.
L’organisation des formations en travail social en trois filières (éducative, sociale, petite enfance) réintroduit l’idée de fusion des diplômes AS-CESF et ES-ETS. Pour ce qui nous concerne, cela questionne sur le maintien du titre d'assistant de service social jusqu'ici protégé [4].
Conclusion
Le rapport de la CPC s'aligne sur les propositions du rapport de Mme Bourguignon, reprises dans le plan d'action gouvernemental pour le travail social, sans toutefois décliner précisément le contenu du socle commun, ni les modifications de la formation liées aux impératifs universitaires pour une reconnaissance niveau licence.
Il appartient aux professionnels de faire dès à présent des propositions concrètes et c'est d'ailleurs ce sur quoi nous sommes attendus. Nous espérons donc qu’il nous sera demandé de participer aux groupes de travail qui seront mis en place très prochainement pour travailler sur les contenus.
Paris, le 31 Octobre 2016
Le Conseil d’Administration
[1] Communiqué ANAS de janvier 2012 « Les freins et les leviers de l'accueil de stagiaires vus par les professionnels Assistants de Service Social »
[2] Circulaire DGAS/4A no 2008-392 du 31 décembre 2008 relative à la formation et à la certification du Diplôme d’Etat d’Assistant de Service Social
[3] Communiqué ANAS du 29 juin 2015 « Pallier au manque de stages …. ou sacrifier une professionnalisation de qualité ? »
[4] Article L 411-1 du CASF